lundi 28 avril 2008

Les gens du Raval

Il s'agit d'un catalogue d'exposition photographique. Exposition parisienne, passée, finie, fermée.
Alors pourquoi en parler, deux ans après?
Parce que ces photos me touchent. J'ai rouvert le livre hier soir, et une fois de plus, alors que les conditions réunies à la fondation Henri Cartier-Bresson n'y étaient plus, je me suis prise une claque. Une trempe, diraient certains...
Le Raval, c'est un quartier pauvre de Barcelone, l'équivalent de notre rue Saint-Denis dans les années 80 - 90, fréquenté par des prostituées, des enfants pauvres, des hommes et des femmes errants...
Ces photos en noirs et blancs, prises dans les années 60 par Joan Colom, témoignent de ce passé plein de vie, de misère, d'éclats de rire et de coups de sang.
En publiant certains clichés de la série du Raval en 1964, Colom va provoquer un véritable scandale au sein de l'Espagne franquiste, et se verra intenter un procès par une femme photographiée dans ce quartier. Incrédule, blessé, il décide d'arrêter la photographie, qu'il ne reprendra que dans les années 80, une fois à la retraite.

Le site web des éditions Steidl vous propose de visionner quelques clichés de la série du Raval. Vous trouverez d'autres photos en fouillant dans les moteurs de recherche, mais la qualité n'y est pas, le livre est bien plus intéressant.

-Madame-

Les Gens du Raval
de Joan Colom
éditions Steidl 2006
(cet ouvrage a été réédité sous le titre "Raval", chez le même éditeur)

dimanche 27 avril 2008

pause lecture

Le libraire

mercredi 23 avril 2008

La Trempe

Magyd Cherfi est la figure charismatique de Zebda. L'historique de ce groupe est le reflet d'un parcours dédié à l'écriture, aux valeurs républicaines et à la tolérance. Magyd Cherfi est un homme qui se construit. Il revendique sans haine. Il a des colères, des engagements mais il ne se laisse pas submerger par un quelconque esprit de revanche: il ne construit pas contre, il construit avec. Il parle de la difficulté à exister, à trouver sa place entre le monde familial immigré et la société française, de la difficulté pour un greffon à s'épanouir. C'est le problème universel du regard des autres, du regard vers soi, de la misère et de la "normalité" (la différence). C'est le décalage entre ce que l'on est et ce que l'on voudrait être, un combat intérieur tout autant qu'extérieur.

Dès le premier récit, Magyd Cherfi nous interpelle: il est avec son groupe à la fin d'un concert. L'ambiance est pesante, il y a eu du grabuge...
Dès le premier récit, tout est là: la violence gratuite, absurde et désarmante; le communautarisme qui sans cesse le rattrape, le communautarisme qu'il aimerait tant fuir; les incompréhensions, la communication bancale, biaisée toujours et malgré tout.
Il y a aussi cette façon de manier l'écriture, de malmener les phrases amoureusement. On sent le baiser dans la bouche, la langue qui laisse échapper les mots. On se laisse happer par le tourbillon de la vie.
Et la trempe vient très vite à la lecture du deuxième chapitre: la cruauté des enfants, la dureté; la mère omniprésente, étouffante; les tabous et les interdits culturels; l'apprentissage de la langue; les échecs et les déceptions, le décalage toujours...

Il faut la gentillesse et la lucidité de Magyd Cherfi pour ne pas en pleurer.

Celui-ci nous offre de très belles pages sur l'amour maternel, extrême et encombrant, sur ces femmes qui vivent par procuration à travers la télé, dans l'ambition qu'elles ont pour leurs enfants. Il fait montre d'une grande pudeur par rapport à son père que l'on devine en filigrane, dur, empêtré dans des principes, enfermé dans une rigidité, une rigueur désolante: le silence.
Silence qui annonce l'échec de l'Amour; toujours le décalage, la retenue au sein du couple. La communication impossible, ces chaînes dont Magyd Cherfi n'arrive pas à se défaire: une incapacité à partager ses sentiments avec des mots, avec son corps...

Vient ensuite le dernier texte. En stigmatisant certains ministres par rapport à leurs origines, Magyd Cherfi commet, à mon sens, un faux-pas. Les récit précédents suffisaient à comprendre, à mettre en garde. Je suis triste et amer.
Et oui, Magyd, il existe des français d'origine (nord)-africaine qui sont à droite et c'est déjà du racisme de s'en étonner. C'est oublier le libre-arbitre.
Et je reprends le livre à la lumière du dernier chapitre (je n'y vois plus qu'un discours militant à l'ombre du communautarisme):
C'est faire peu de cas de tous les travailleurs pauvres qui ne sont pas (nord)-africains. C'est ignorer que les métiers les plus ingrats sont réservés aux personnes les plus fragiles, les plus exploitables: nouveaux immigrants, personnes en échec scolaire, en difficulté familiale; que des "réseaux" existent, des communautés se "partagent" (se réservent) certains emplois par une sorte d'entraide malheureuse (miséreuse). C'est oublier que la France ne se limite pas aux grandes villes et que des français de souche occupent les places derrière les camions-bennes et les marteaux-piqueurs. C'est reprendre les discours politico-médiatiques qui voudraient nous faire croire que les français d'origine (nord)-africaine ne sont pas intégrés. S'il y a un racisme de classe, il ignore la couleur et la race. L'argent n'a pas d'odeur, il exclut, il dédaigne, il fait mal.

C'est comprendre au fond, derrière les mots de Magyd Cherfi, qu'un arbre déplacé met du temps à reprendre racine, que l'apprentissage de la langue est la meilleure des armes pour pouvoir se construire et que la politique corrompt tous les discours, même les plus justes, les plus sincères.

-Monsieur-

de Magyd Cherfi (on peut écouter certaines chansons de Zebda et de Magyd Cherfi gratuitement sur Deezer.)
aux éditions Actes Sud
2007

lundi 21 avril 2008

"Les hommes qui n'aimaient pas les femmes", Millénium t.1

Mickael Blomkvist , journaliste économique pour le journal Millénium, vient d'être jugé pour diffamation après avoir publié un long reportage sans avoir vérifié ses sources sur un important industriel suédois.

Condamné, discrédité, il accepte l'invitation d'un autre ténor de l'industrie suédoise, Henrik Vanger.
Celui-ci lui propose une mission déroutante: enquêter sur la disparition de sa nièce Harriet, survenue 40 ans plus tôt, jamais élucidée.

Dans le même temps une jeune femme, Lisbeth Salander, se voit confier par son patron des enquêtes qu'elle mène mieux que quiconque. Difficile à cerner, elle refuse de révéler le moindre détail de sa vie privée.
Un client va lui demander de fouiller dans la vie de Blomkvist...

Larsson a eu le génie d'affubler ses personnages de personnalité courante, mais en les présentant de telle façon qu'elles nous semblent constituer des caractères vraiment particuliers.
La conception du roman, l'histoire et ses personnages auxquels on s'attache très vite font de ces trois romans un de ses best-sellers qui doivent moins à une médiatisation à outrance qu'au vrai plaisir des lecteurs et à un bouche-à-oreille efficace.
Amateur de polars, on suit l'histoire de Stieg Larsson avec intérêt, puis avec passion.
Avec "addiction" même, de l'aveu d'un lecteur de ma connaissance.

Stieg Larsson n'aura jamais connaissance du succès de sa trilogie: il est décédé en 2004, après avoir livré sa trilogie à son éditeur suédois...
Mais attention, rumeur: un quatrième tome de la série Millénium aurait été en partie rédigé par l'auteur, juste avant son décès.
Il semble que la famille de celui-ci (divisée par une sombre histoire d'héritage) ne soit pas d'accord sur la parution de ce nouveau roman, sans le point final apposé par l'auteur lui-même. Les fans devront donc patienter quelque temps avant de savoir s'ils doivent attendre une suite au troisième tome!

-Madame-

Les hommes qui n'aimaient pas les femmes, Millénium vol.1
La fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette, Millénium vol.2
La reine dans le palais des courants d'air
, Millénium vol.3
Stieg Larsson
éd. Actes Sud, collection Actes Noires
2004

samedi 19 avril 2008

Pause Lecture

mercredi 16 avril 2008

Le Montespan

Le marquis de Montespan est le cocu le plus célèbre de l'Histoire de France.
Pour la plupart des hommes de la cour de Louis XIV, se faire pousser les cornes par le monarque divin était à quelque chose près un don de Dieu. Fortune, richesse sous toutes les formes, anoblissement rapide de toute la famille sont les premiers avantages qu'obtiennent les maris "honorés" par le souverain solaire.
Louis-Henri Pardaillan de Montespan n'est pas vraiment de cet avis: partager les beautés et la vaillance nuptiale de son épouse n'est pas pour lui plaire.
Devant l'omnipotence du roi, il tentera un certain nombre de provocations, toutes plus rocambolesques les unes que les autres.
Ainsi les parisiens de l'époque ont vu défiler dans les rues un carrosse peint en noir, surmonté de cornes de cerf aux quatre coins du véhicule.
Les mêmes cornes ont rapidement investi le blason familial, au grand dam du fils du marquis, pour qui la bienséance attendue par le monarque était un devoir pour tous les sujets de sa majesté. Notons que le jeune marquis d'Antin n'avait que trois ans...

Mais qu'en est-il de la radieuse marquise? Celle-ci ne se sent plus de joie, elle vide les caisses de l'Etat aussi sûrement que les attributs du roi (si vous me permettez l'expression).
Le pouvoir et l'or semblent mieux lui convenir que l'heureuse misère du pauvre Louis-Henri, malgré l'amour fou que celui-ci lui voue.

Avec beaucoup d'humour, de poésie et de tendresse pour le courageux cocu, Jean Teulé nous dépeint une histoire bien mieux connue du côté de la sulfureuse (et dangereuse) marquise que de celle de son malheureux époux.

-Madame-

Le Montespan
de Jean Teulé
éditions Julliard
2008

mardi 15 avril 2008

L'un pour l'autre, les écrivains dessinent

Rien n'est plus angoissant que de décloisonner les structures, rien n'est plus réducteur qu'une classification.
Je reprendrai donc la réflexion des différents initiateurs de ce catalogue par rapport au problème qu'ils soulèvent: un écrivain peu-il être dessinateur, peintre ou sculpteur?

À l'origine est le trait, le signe. L'écriture est une expression. La lettre une représentation. L'homme parle à travers le geste. Les premiers graffitis, les premières écritures et la calligraphie, tout est lié. Le dessin est une composante de l'écrit, du rapport à l'autre et au Monde. L'écrivain griffonne, biffe, remplit des pages et des pages de signes. On est déjà dans le dessin.

Mais le propos est autre: on parle de dessin d'Art; c'est une échelle de valeur; doit-on s'intéresser à l'écrivain par le biais du dessin? Le dessin est-il un apport à son travail, à sa réflexion? Un complément à la compréhension de son "œuvre"? S'intéresse-t-on au dessin pour lui-même? Pourquoi l'on s'y attache? La raison est-elle juste? Le regard n'est-il pas biaisé par la notoriété de l'auteur?

Il n'y a pas de réponse satisfaisante... d'ailleurs, pourquoi chercher un intérêt, pourquoi se justifier? Pourquoi ne pas parler de plaisir tout simplement puisque c'est de cela qu'il s'agit: se laisser aller au plaisir.
Cette exposition et ce livre (formidablement illustré) n'ont d'autre objet que de décloisonner, d'ouvrir des horizons, de nous faire découvrir et regarder... retrouver les compagnons de nos lectures passées, nous emmener vers d'autres.
Il y a quelque chose d'apaisant à se nourrir de ces dessins, ces manuscrits... une forme de création à l'état pur qui donne envie de grandir, qui donne envie d'être beau.

-Monsieur-

de Olivier Corpet, Jean-Jacques Lebel, Emmanuelle Lambert, Claire Paulhan, François Letaillieur, Michèle Métail, Jean Le Gac, Sophie Bogaert.
en co-édition avec l'Imec et Buchet-Chastel
dans la collection les Cahiers dessinés (dont on peut saluer la qualité)
2008

Je profite de ce sujet pour renvoyer sur le site de la fondation de la Poste qui émet un billet complémentaire sur le sujet.

lundi 14 avril 2008

Le CRL et "Livre/échange"

( Attention : Mise à jour 2013 en fin d'article )
Au mois de mars j'ai découvert un type de structure que je ne connaissais pas: le Centre Régional des Lettres (CRL).
Il a en charge le soutien des professionnels de la chaîne du livre dans la région où il est implanté. On peut retrouver ces associations sous différentes appellations comme ARL (Agence Régionale du Livre) ou CRL selon les régions. Vous trouverez les coordonnées et les actions de la plupart de ces organisations sur le site de la FILL (Fédération Interrégionale du Livre et de la Lecture).

Ainsi éditeurs, libraires, bibliothécaires, auteurs, mais aussi conteurs, traducteurs et illustrateurs peuvent les contacter et y trouver des indications sur les aides et ressources disponibles en région.
Ces organisations sont aussi un moyen pour les lecteurs de trouver un certain nombre d'informations sur les évènements littéraires de leur région et de dénicher des idées de lecture.
Appui, coordination, guide et soutien sont le fer de lance de ces structures qui multiplient les passerelles vers le grand public.

J'ai donc passé le mois de mars au CRL de Basse-Normandie, à Caen.
J'y ai travaillé auprès de Nathalie Colleville, responsable du service Communication et Information.
C'est, entre autres, à Nathalie que les professionnels annoncent une animation littéraire prévue dans les semaines ou les mois à venir.
On la joint également lorsqu'un livre paraît en Basse-Normandie: après en avoir pris connaissance (avec chaque fois le même plaisir), elle en parlera dans la revue du CRL qu'elle rédige quasiment intégralement, Livre/échange.

Je vous conseille plus que vivement de prendre connaissance de ce trimestriel gratuit, disponible en PDF sur le site du CRL. Vous pouvez bien entendu vous y abonner, quel que soit votre lieu d'habitation.
Vous y trouverez des articles sur les animations littéraires, expositions, festivals, salons en Basse-Normandie, des interviews, portraits, dossiers, agendas, rencontres... En bref, une revue de 16 pages (sans compter les suppléments, une à deux fois par an) à très haute valeur ajoutée, animée d'une très jolie plume.

Bien loin d'être un journal fermé sur la Basse-Normandie, chauvin et passéiste, Livre/échange est une véritable revue d'actualité littéraire avec une ouverture sur ce qui se fait dans le monde, en lien direct ou plus subtil avec la Normandie. Il suffit qu'un écrivain soit de passage dans la région pour que Nathalie lise ses ouvrages, propose de le rencontrer, de l'interviewer et de donner envie à ses lecteurs de (re)découvrir l'auteur.
Si vous avez besoin de la contacter pour la prévenir de la parution prochaine d'un ouvrage ou de l'organisation d'une animation, je vous propose de lui envoyer un courriel, elle vous répondra rapidement!
Il serait vraiment dommage de passer à côté du Livre/échange d'autant que le travail du CRL de Basse-Normandie ne s'arrête pas là.

Une autre de ses actions est l'organisation d'un festival de créations artistiques des pays nordiques, émaillé de spectacles d'art vivant, d'expositions, et surtout de rencontres littéraires, Les Boréales.


Rendez-vous incontournable en France pour les passionnés de culture nordique (rappelons que l'université de Caen regroupe certains des plus éminents spécialistes de Scandinavie), on y trouve pendant une quinzaine de jours une belle invitation au voyage. Les Boréales sont l'occasion idéale d'un dépaysement et d'une ouverture sur le monde.
(J'en profite pour remercier en particulier Guillaume pour son accueil)

Cette année, Les Boréales auront lieu à Caen du 17 au 30 novembre.

Enfin, un service que je crois unique en France, en ce qui concerne les CRL, c'est le service Normannia: il s'agit d'une bibliothèque d'ouvrages numérisés, très anciens ou plus récents sur le patrimoine et l'Histoire de la Normandie.
Avant même de connaître l'existence du CRL, j'ai pu trouver grâce à Normannia des informations sur un ancêtre, pépiniériste de la région de Falaise, qui avait fait le sujet d'un chapitre d'une revue des années 30. Recherche étonnante s'il en est et résultat tout aussi surprenant! La numérisation avance et offre des potentialités de connaissances vraiment enthousiasmantes.

Voici donc une autre façon de vivre la création littéraire et la culture en région. Réjouissant!


-Madame-

Centre Régional des Lettres de Basse-Normandie
10, rue du Château d'eau
14000 Caen
www.crl.basse-normandie.com :site en cour de refonte, la prochaine version devrait être mise en ligne cet été.

Une petite mise à jour s'imposait depuis l'écriture de cet article en 2008.

Le CRL étant une structure vivante, celui-ci continue d'évoluer. Voici quelques nouvelles :
L'équipe du CRL de Basse Normandie a rejoint ses nouveaux locaux ( l'inauguration a lieu le 7 novembre 2013) près du Mémorial de Caen.
Certaines personnes dont on parlait précédemment ont mis leur expérience et leurs compétences au service d'autres structures ; ainsi, Nathalie Colleville a rejoint la communication du théâtre de Caen.
Le festival des Boréales continue vaillamment de nous faire découvrir les littératures Nordiques en s'ouvrant largement à la création artistique. Il débute, cette année 2013, le 15 Novembre, avec pour invités d'honneur, l'Islande et la Lituanie.
L'implication du CRL dans la vie littéraire est d'autant plus importante que la situation des métiers du Livre est délicate pour beaucoup de ses acteurs en ces périodes tourmentées. Nous ne pouvons donc que leur souhaiter : "Bon Vent !"

Leur nouvelle adresse est :
Centre régional des Lettres de Basse-Normandie
UNICITE
Bâtiment E
14 rue Alfred Kastler
CS 75438
14054 Caen Cedex 4

vendredi 11 avril 2008

Pause Lecture

mardi 8 avril 2008

Jules Barbey d'Aurevilly

Le bicentenaire de la naissance de Jules Barbey d'Aurevilly est l'occasion pour bien des éditeurs de revenir sur cette figure littéraire du XIXème siècle. Trop souvent occultée par l'image caricaturale du personnage-écrivain, l'œuvre mérite le détour à plus d'un titre. Trois ouvrages récemment sortis dépoussièrent l'univers de Barbey. Chaque auteur tente à sa façon de nous ouvrir les portes d'une écriture racée libérée du carcan émotionnel et partisan dans lequel l'ont confinée de nombreux analystes.

Le premier d'entre-eux, Une Nature Ardente de Dominique Bussillet, est " enluminé " par les dessins de Gilbert Bazard. L'ouvrage est un petit bijou de raffinement: la pureté des reproductions, la qualité du texte...
Il n'est que le choix du papier, sa couleur, son épaisseur pour se sentir happer par la force éclatante d'une œuvre que Dominique Bussillet nous raconte intensément. Son essai est d'une beauté d'écriture, d'un classicisme devenu rare. Les mots se nouent avec les citations, s'entremêlent, les gravures prolongent le texte plus qu'elles ne l'accompagnent... comme le lierre sur la pierre, la lumière est indissociable des herbes agitées par le vent. Barbey est organique. Dominique Bussillet nous révèle avec grâce une histoire d'Amour et de tourments; ce livre est un partage.

Une Nature Ardente
de Dominique Bussillet et de Gilbert Bazard
aux éditions Cahiers du Temps
Nathalie Colleville nous propose un entretien avec Dominique Bussiller dans le Livre-échange n°41 consultable en pdf . N'hésitez pas à vous abonner, c'est gratuit et bien écrit.


Dans un autre registre, Pierre Leberruyer nous propose une réédition enrichie et renouvelée d'un livre publié en 2002 par les éditions Manche-tourisme. Il nous prend par la main pour une promenade avec Barbey d'Aurevilly.
Pierre Leberruyer classe, explique, situe, raconte; il se fait guide, un formidable guide, érudit, fort plaisant. Son livre est émaillé de citations et de notes, de références historiques et littéraires. C'est un cadeau pour les amoureux d'un Cotentin que l'on traverse pas à pas... le cheminement d'un homme et de son œuvre.

Paysages envoûtants et demeures romantiques au pays et dans l'œuvre de Jules Barbey d'Aurevilly
de Pierre Leberruyer (textes et nombreuses photographies)
aux éditions Orep


Durant plusieurs années Michel Pinel s'est plongé dans le fonds du Musée de Saint-Sauveur-le-Vicomte. Passionné, il nous dévoile avec satisfaction un grand nombre de ses découvertes.
Barbey Le Scandaleux est la somme de ces documents très souvent méconnus. En parcourant ce livre, on a l'impression d'entrer chez un ami qui étale sur la table les trésors dénichés. Michel Pinel est enthousiaste, ce qui ne nuit en rien à la rigueur de l'ouvrage. Nous apprenons Barbey, son œuvre, ses amours, ses amitiés et ses inimitiés; ses éditions et ses illustrateurs nous sont tour à tour présentés, le souvenir est prolongé. Avec cet album foisonnant, parfois proche du pêle-mêle, Michel Pinel nous offre une étude accessible et riche en images de ce grand écrivain.

(une étourderie s'est glissée page 235, conformément à ce qui est écrit page 226 Hermann Quéru est décédé en 1978 et non en 1979)

Barbey d'Aurevilly le Scandaleux
de Michel Pinel
aux éditions Eurocibles
tél:02.33.55.00.00

Signalons que Thierry Leprévost a rédigé deux articles illustrés de photos sur les traces de Barbey d'Aurevilly dans le numéro 64 de Patrimoine Normand (Barbey en Cotentin) et dans le numéro 65 de la même revue (Barbey à Caen). Trimestriel disponible aux éditions Heimdal.

Une nouvelle revue d'actualité culturelle, indépendante et gratuite, consacre, elle-aussi, quelques pages à Barbey d'Aurevilly avec de très belles photos de Guillaume Jouet (Manche Territoire d'expression).

J'ai dû en oublier... ce sera pour une prochaine fois.

-Monsieur-

lundi 7 avril 2008

Une ombre sur le Roi - Soleil

Sous le règne de Louis XIV, l'affaire des Poisons fit scandale.
Pourtant, le "Tout-Paris" ignorait le versant le plus noir de l'affaire qui n'était connu que de très peu de personnes: Louvois, Secrétaire d'Etat à la Guerre et Surintendant des Postes, La Reynie, premier Lieutenant de Police en titre (charge créée par Colbert), ainsi que Louis XIV lui-même.
Car, sous l'affaire des Poisons qui fit trembler les honnêtes maris et les amants mal-aimés, se cachaient de sordides affaires de messes noires, de sacrifices d'enfants, de devineresses qui se faisaient sorcières et de curés qui se faisaient démons.
Le Roi-Soleil voulait la grandeur de la France et la propreté de son règne. Il décida la création d'une Chambre ardente, cour judiciaire exceptionnelle, et ordonna la Question pour toutes les personnes mises en cause dans ces affaires de crimes.
Toutes? Non. Car des proches du roi étaient directement concernés. Des proches qu'il aurait été très malséant de voir condamnés publiquement au vu de l'estime que leur avait accordée le monarque divin.
Les soupçons les plus importants se portèrent sans conteste sur la Montespan, maîtresse officielle de Louis XIV et mère de sept de ses enfants.
Justice et secret d'Etat allaient-ils cohabiter?

Chaque page de cet essai aux allures de roman nous plonge dans l'effroi et l'horreur qu'ont ressenti les enquêteurs en évoluant dans les sombres recoins de Paris, où les pratiques les plus abjectes se déroulaient.
Ces agissements impliquaient toutes les classes sociales: tiers-état, clergé et noblesse étaient (in)dignement représentés dans ces funestes lieux.

Si l'on peut avoir du mal avec l'écriture de Claude Quétel, la richesse de la documentation et la construction de ce texte permettent de découvrir une de ces Grandes Affaires qui ont fait trembler le trône de France....

-Madame-

Une ombre sur le Roi-Soleil
de Claude Quétel
éditions Larousse
collection L'Histoire comme un roman

Le Fou

Raffi (alias Hakob Mélik Hakobian) est un auteur arménien du 19e siècle.
Témoin des tourments vécus par son peuple, il s'en est fait le porte-parole, au travers de romans épiques largement lus et appréciés dans son pays.

Le Fou retrace la vie d'Arméniens chrétiens dans un petit village d'Anatolie, situé dans l'ancienne Arménie turque.
A cette époque, la pression des Turcs musulmans sur le peuple des chrétiens arméniens se fait de plus en plus forte, et annonce leur massacre par les Turcs et les Kurdes, durant la guerre de 1877-1878.
Vartan, jeune marchand ambulant, se rend au village d'O, où le maire l'accueille chez lui.
Ce jeune homme va faire venir chez le vieux Khatcho un étrange philosophe, M. Doudoukdjian, qui tente par tous les moyens de faire accepter des idées modernes aux villageois: il aimerait voir ces paysans pacifiques et soumis se révolter, prendre les armes et donner enfin de l'instruction à leurs enfants, filles et garçons.
Ces idées ne sont pas du goût de tous, et vont provoquer les foudres des autorités de cette partie de l'Anatolie.

C'est dans ce contexte que se noue une histoire d'amour dramatique:
Une jeune fille, Lala, fait tourner la tête d'hommes mûrs et inquiétants: le Fatha bey, chef des brigands kurdes de la région, et Thomas effendi, dignitaire arménien au service des Turcs ottomans.
Vartan, amoureux lui aussi de la belle Lala, rêve de l'emmener loin des dangers que font peser sur elle ces hommes de pouvoir.

Certains décrivent Raffi comme étant le "Dumas arménien". Personnellement je le rapprocherai plus de Paul Féval avec son roman "Le Bossu", par sa manière un peu emphatique de décrire ses personnages : ici chacun est soit bon, soit mauvais, pas de demi-mesure, ce qui m'a un peu refroidi au début.

Très vite toutefois, la valeur historique de ce roman m'a tenu en haleine. Les personnages sont attachants, j'ai pris de plus en plus de plaisir à suivre leurs aventures et à découvrir une culture et une Histoire que je ne connaissais que très superficiellement.

Il faut noter au passage le très bon travail des éditions Bleu Autour ( dont j'ai déjà parlé lors de ma critique de la nouvelle de Leïla Sebbar, Louisa), leur recherche de textes de qualité à travers le monde est remarquable.
A surveiller de près, donc!

-Madame-

"Le Fou"
Raffi (Hakob Mélik Hakobian)
éditions Bleu Autour 2007
collection "D'un lieu l'autre"
1880

vendredi 4 avril 2008

Pause Lecture

Notre rentrée se fait doucement mais sûrement...

mardi 1 avril 2008

Chagrin d'école

" Chagrin d'école " a trouvé ses lecteurs, il en séduira d'autres.
Amateur du Pennac-romancier, je pensais, en ouvrant ce livre, passer un bon moment. Cet homme a une faconde plaisante, la bonne humeur communicative, le regard franc et le sourire facile; malheureusement...

Pennac parle de lui-même. C'est un fait. On le voit grandir, être cancre à l'école, en famille, dans le regard des autres; être cancre jusqu'au déclic inattendu: un enseignant qui l'encourage, lui fait confiance, lui donne confiance.
Les chapitres se suivent: Pennac cancre, Pennac enseignant-modèle (où sont les lauriers?), retour au cancre et aux cancres. Il édulcore mais pourquoi pas. La réalité est parfois invraisemblable et les miracles existent. On ne demande qu'à le croire, qu'à le suivre. Son optimisme fait du bien.
Mais il y a un " mais ". Imperceptiblement, le ton devient sentencieux et moralisateur. Redondant, Pennac alourdit son propos. Je tourne les pages mollement. Daniel Pennac m'ennuie.
Son essai se prolonge avec un plaidoyer pour les jeunes de banlieue, forcément blacks ou beurs, forcément cancres. Sans s'étendre sur leurs travers, il les défend en les montrant du doigt: ils sont notre futur, les génies incompris. Il reprend l'imagerie des quartiers, déborde de naïveté et d'idées reçues. Il les connaît: il enseigne (ou plutôt il a enseigné). Il tient la vérité et n'oublie pas de se jeter des fleurs au passage. C'est de bonne guerre mais ça peut agacer. Pennac tient sa revanche, le cancre fait la leçon. Le prof est sympathique. Sa vision simpliste et schématique dégouline de bons sentiments. Pennac passe de pédagogue à démagogue.
Je décroche. Trop, c'est trop. Je n'ai pas eu de " passeur " à l'école! Je ne sais pas de quoi il parle! Je feuillette les dernières pages. Je survole. Il pousse son raisonnement, progresse, devient intéressant mais je n'ai plus l'envie. Je n'ai plus l'étincelle. Il ne me reste qu'à attendre d'éventuelles retrouvailles, un livre dans quelque temps qui pourra me consoler de ce " chagrin d'école ".

J'aurais aimé que Pennac ait une parole pour les cancres isolés, ceux qui ne sont pas chefs de bande. Ceux qui s'acharnent et qui travaillent, ceux qui peinent et ne trichent pas. Obstinés, laborieux et moqués de toutes parts, ils sont là, ils existent, ils se murent: ce sont eux les exclus, ceux que personne ne veut entendre, les " débiles " qu'il vaut mieux oublier.
J'aimerais aussi comprendre pourquoi certains élèves décrochent. Pourquoi certains dévissent arrivés en sixième ou en classe de seconde? On ne naîtrait pas cancre?
Je terminerai sur un souvenir:
il y a 25 ans; les temps changent, mais il y a 25 ans les classes de rattrapage étaient des classes délaissées où s'entassaient dans un état proche de l'abandon les élèves à et en difficultés.
Il faut croire que tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir M. Pennac en cours.

-Monsieur-

de Daniel Pennac
aux éditions Gallimard
2007