Voilà quelques années que je n'avais pas participé à l'installation du Salon du Livre. J'aime cette effervescence que l'on peut retrouver à Rungis ou au marché aux fleurs d'Aalsmeer, cette urgence du déballage et de la mise en place.
8 heures 30. Tous les corps de métier se retrouvent dans ce grand décor éphémère. Les menuisiers ajustent les derniers éléments dans une bonne odeur de poussière, de colle et de bois. La peinture n'est pas sèche que les électriciens installent les luminaires sur les stands.
Autour, une armée de "pakis" déroule des mètres de moquette. Le geste sûr et appliqué, ils découpent les bordures au cutter. Quant à parler français, ils sont plus... évasifs.
Deux jeunes chauffeurs récupèrent les palettes. Ça arrange leurs fins de mois et ça nous débarrasse.
Distincts par leur allure, une nonchalance naturelle, de grands hommes du désert poussent inlassablement de lourds chariots d'acier dans lesquels on déverse les cartons préalablement découpés et pliés. Il y a quelques années, il me semble qu'ils étaient plus nombreux et le faisaient eux-même mais peut-être que mes impressions sont trompeuses...
C'est dans cet univers que se mettent en place les stagiaires, intérimaires et autres petites mains du Livre cornaqués par quelques directeurs et grands pontes de l’Édition. Ceux-ci supervisent, mettent la main à la pâte car il ne s'agit pas de se rater : c'est l'image d'une année, la représentation ! Les enjeux financiers et professionnels sont énormes ou... surévalués. On aime à croire en l'importance de ce Salon.
Vers la fin de la matinée, la fatigue aidant, les gens remettent les manteaux, les allées et venues sont plus nombreuses. La fraîcheur du Hall est réelle, autant que les courants d'air. Un message demande de faire attention aux voleurs, il sera répété tout au long de la journée.
C'est l'heure de déjeuner. Le rythme est moins soutenu. Le gros des livraisons est terminée depuis longtemps.
Des "responsables" arrivent. C'est là que j'aperçois Gilles Cohen-Solal dans son pardessus froissé accompagné de Madame. Je ne peux m'empêcher de penser à l'émission Strip-Tease, l’Édition, c'est pas de la littérature, consacré au "patron" des éditions Héloïse d'Ormesson. J'observe :
Gilles Cohen-Solal se dévêt, range des bouteilles de vin dans la réserve de son stand ( l'inauguration est un moment important et réputé d'hypocrisie mondaine autour de quelques verres...) et s'arme d'un cigare.
Véritable maquignon du Livre, désillusionné, caricatural, excessif, consternant, théâtral... c'est un personnage intéressant en tant que matière littéraire. Ce qui m'étonne le plus c'est l'apparente indifférence de son entourage, à la fois impassible, mais à l'écoute. Il mériterait une thèse car c'est un cas d'étude, la version non policée d'une partie importante du monde de l'Édition et pas seulement de l’Édition.
Le commissariat général va ouvrir. Les livres neufs ont fière allure.
Ma journée se termine.
- Monsieur -
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