dimanche 20 mars 2011

Le voyage à Paris

Le quotidien du metteur à part (le manutentionnaire du Livre) est d'ouvrir des cartons, de trier la marchandise (car le livre en est une) et de remplir des cartons pour retourner les invendus. Le metteur à part devra supporter la poussière jusqu'à 65 ans - ou moins - en fonction de sa résistance.                                                                             J'accuse déjà les ans avec quinze ans de carrière.

Mes semaines s'écoulent ainsi, mornes et répétitives, jusqu'au jour où, au détour d'un colis, un drôle de petit garçon surgit d'une enveloppe entr'ouverte :


Fébrilement, sans me faire repérer, j'inspecte le contenu de ce courrier Fedex (un passeport, quelques lettres, une adresse et un nom : Flat Stanley). Je rattrape le bonhomme qui s'échappe dans la pièce avant de le glisser dans mon sac à dos.


Profitant de la pause-déjeuner, je m'assieds sur un banc à deux pas de la Sorbonne. Stanley se déplie au soleil, bienheureux.
J'apprends qu'il vient de Caroline du Nord, qu'il est passé par Ashby-de-la-Zouch en Angleterre et qu'il est écolier en vacances à Paris.


Je lui dis qu'il a raison : s'il ne veut pas construire des universités dans le Golfe Persique ni finir dans les métiers du Livre, il vaut mieux lézarder qu'étudier. Il sourit sans rien dire. Je crois qu'il me prend pour un con.

De retour au boulot, je me renseigne sur le Net.
Le projet Flat Stanley a été lancé en 1995 au Canada par un professeur, Dale Hubert. Le but est d'envoyer des Flat Stanley (Clément aplati) partout dans le Monde et de suivre leurs périples. À charge pour la personne qui en reçoit de lui faire voir du pays. Ces échanges doivent permettre aux enfants de communiquer entre eux, de découvrir d'autres cultures et de faciliter l'alphabétisation.
Je ne sais pas si Jeff Brown avait imaginé un tel parcours en créant son héros mais l'idée ne lui a sûrement pas déplu du temps de son vivant.

Écrit en 1964, Flat Stanley (Clément aplati) est une histoire pour enfants au déroulement assez classique même si le postulat de départ repose sur une idée surréaliste : durant son sommeil, Stanley (Clément) est écrasé par un tableau tombé du mur. Il n'est pas blessé mais il est aplati. L'avantage est qu'il peut se glisser dans les enveloppes, se faufiler sous les portes... et vivre des aventures !

De nombreux dessinateurs ont illustré ce texte, de Tomi Ungerer à Macky Pamintuan. En France, le dessin de Clément aplati a été confié à Tony Ross. Celui-ci donne une espièglerie malicieuse aux visages de ses personnages qui sied bien à l'histoire. Son univers coloré ajoute ce qu'il faut de gaieté et de peps aux aventures de Clément... 

Je continue à "googler" et le travail n'avance pas ; l'ennui me gagne. Il est temps de rentrer à la maison.
Éreinté par cette journée sans sueur, je vais me dégourdir les jambes. Je sors Stanley de son enveloppe pour lui montrer la TGB, "Très Grande Bibliothèque", spécialité de France. Ce coquin en profite pour dessiner un bonhomme.


Je le remets dans mon sac et on décampe poursuivis par les gardiens de la morale républicaine. Alors, on leur tire la langue et Hop ! Pied de nez ! On prend le RER jusqu'au Pont Mirabeau (sous lequel coule la Seine...).


Stanley rigole encore.
Stanley est imprudent et le vent souffle fort
Attention ! Stanley ! Attention !
Trop tard, il n'entend plus.

Le vent l'a emporté.

- Monsieur -

Pour avoir un aperçu plus consensuel et moins déviant du projet Flat Stanley, il y a  un site officiel très bien fait.
( Je déconseille le très laid Flat Stanley Books de Disney. )
Pour une version francophone, je voudrais rendre hommage à une enseignante de Martinique qui a fourni une réflexion et un travail remarquable sur le projet de Clément aplati (en m'excusant auprès d'elle et de ses élèves pour l'incorrection de mon texte).

Clément aplati de Jeff Brown et Tony Ross, éditions Gallimard, 2002.

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