vendredi 25 mai 2012

Horizons bas-normands / Heures de rêve


Comment résumer un poète que le temps à ranger dans les étagères de l'oubli ?
Comment parler de son sentiment d'exil (ô combien partagé ! ),
de son amour d'un pays, d'un patelin, qu'il transmet sans haine ni mépris,
de l'amour en partage, de son profond humanisme ?
Louis Robert, auteur normand du début du XXème siècle, s'est si bien décrit dans Poète (repris un peu plus bas) qu'il n'est pas besoin d'en rajouter.


"Je voudrais que mes vers..." précise-t-il,
 
Je voudrais qu'à la foule ils apportent toujours
Le vivant réconfort d'une parole humaine;
Qu'ils sachent exprimer combien mon âme est pleine
de doutes et d'espoirs, de tendresse et d'amour !

Et je voudrais aussi que sans cesse ils redisent
Que rien n'est, ici-bas, plus grand que la Bonté
Et, qu'amant de la paix, je chéris la beauté
De l'idéal sacré que nos cœurs divinisent ;


Ces quelques poèmes vous permettront, j'espère, de le (re)découvrir et d'en apprécier le lyrisme.   

 
Mes aïeux

Mes aïeux n'étaient pas de ces êtres frivoles,
Ni de ces courtisans ne songeant qu'aux plaisirs,
Ni de ces désœuvrés occupant leurs loisirs
À des distractions toutes vaines et folles.

C'étaient des paysans, c'étaient des laboureurs
Qui connurent parfois des heures bien amères.
Ils cultivaient leur champ et travaillaient la terre,
Écrasés sous le poids de leur rude labeur.

- Pourquoi s'intéresser à la triste figure
De ces pauvres manants, croquants et culs-terreux,
Célébrez, m'a-t-on dit, plutôt les gens heureux,
Vos vers seront, ma foi, de plus belle facture.

Il ne me convient pas d'encenser les puissants.
Je préfère exalter les vertus de la plèbe
Et tous ces braves gens, ouvriers de la glèbe,
Auxquels songe aujourd'hui mon cœur reconnaissant.

Si quelqu'un le connaît, je veux qu'il me le nomme,
Est-il sous notre ciel un plus noble métier
Que celui du semeur lançant d'un geste altier
Les féconds grains de blé qui nourriront les hommes ?

Retour

Qu'es-tu venu chercher en ce calme village :
Des beaux jours envolés, est-ce le souvenir ;
Mû par un sentiment que rien ne peut ternir,
As-tu voulu revoir les lieux de ton jeune âge ?

Vois, la maison n'est plus que tu chérissais tant,
Nos gens ne parlent plus le savoureux idiome,
Les tuiles et l'ardoise ont remplacé le chaume
Et de clairs magasins les boutiques d'antan.

Des êtres sont partis attirés par la ville,
Les cloches ont sonné, pour d'autres, le trépas,
Des "horsains" sont venus que tu ne connais pas :
Le destin est puissant et l'homme n'est qu'argile.

Mais les oiseaux joyeux gazouillent dans le bois,
Dans les prés odorants paissent nos vaches rousses,
Sous l'éclatant soleil, croissent de frêles pousses
Et le ruisseau murmure encor comme autrefois.

Troublés, des amoureux passent devant l'église
Et dans l'air attiédi, fin, léger, vaporeux,
Ils gagnent à pas lents le petit chemin creux
Dont l'ombrage accueillant les enchante et les grise...

En toi ne sens-tu pas naître l'enivrement ?
Si le temps, prisonniers, sur son char nous emporte,
La vie est là, partout... De souffrir que t'importe,
Si l'émoi fait plus fort battre ton cœur aimant !

Livres

Muets gardiens de tant de choses,
Qui de nos cœurs chassez l'ennui
Quand, seuls, éloignés de tout bruit,
Nous entr'ouvrons vos pages closes :

Compagnons des heures moroses
Que souvent ramène la nuit
Lorsque, lassé, le jour s'enfuit
Et que plus pâles sont les roses ;

Vous dont l'empire envahissant
À mon esprit d'adolescent
Sut verser des mots d’espérance,

Livres, mes amis, mon seul bien,
Vous que j'aime depuis l'enfance,
Qui donc romprait notre lien ? ...

Silence

Silence des malins aux doux feux de l'aurore,
Quand les amants lassés s'arrachent au sommeil,
Silence de la terre à l'heure du réveil
Quand près de soi l'on sent l'être que l'on adore ;

Silence des midis, quand, riant à la flore,
Parant femmes et fleurs d'un éclat plus vermeil,
De lumière baignant les jardins, le soleil
Crée un enchantement plus séduisant encore ;

Silence des matins, des midis et des soirs,
Toi qui porte enclos nos plus secrets espoirs,
Toi pour l'Homme pensant le refuge suprême,

Le souverain des champs, des plaines et des bois,
Des lieux où l'on médite, ô silence je t'aime,
Toi qui fus le témoin de mes premiers émois ! ...

Partir, partir à deux...

Partir, partir à deux vers l'accueillante grève
Et, loin des importuns, couple heureux, couple uni,
Se blottir, frémissants, dans la tiédeur d'un nid,
                Se griser d'un beau rêve.

Sentir près de son sein que la flamme soulève
L'être que l'on chérit d'un amour infini.
Se plaindre seulement, songe à peine fini,
                Que l'heure soit trop brève.

Puis, attendant le soir, laisser s'enfuir le jour,
En écoutant des mots nés d'un commun amour
                 La musique légère.

Doux mots qui tour à tour rendent triste ou joyeux
Et muent en un palais la plus humble chaumière
                 Lorsqu'on les dit à deux.

Louis Robert

Le poète

Le poète est celui que tout impressionne :
L'idyllique printemps sous son frêle habit vert,
Le radieux été, le nostalgique automne
Et même la saveur de l'âpre et rude hiver.

Que l'ardente nature ait salué l'aurore
Ou que le crépuscule ait annoncé la nuit,
Le soleil caressé la fleur qui vient d'éclore,
À toute heure du jour son rêve le poursuit.

Il le poursuit encor par les longs soirs de veille,
Lorsque le clair de lune illumine les cieux
Ou qu'un manteau revêt la ville qui sommeille.
Alors, son cœur ému converse avec les dieux.

Confiant à ses vers le trouble de son âme,
Il communie avec l'immense paix du soir
Et l'inspiration l'éclairant de sa flamme
Dissipe son tourment, gonfle son cœur d'espoir !

S'il chante la beauté de sa terre natale,
il sait qu'il est aussi, plus loin que sa maison,
D'autres champs, d'autres ciels et d'autres cathédrales
Et que tout horizon cache un autre horizon.

et solidaire ainsi de la famille humaine,
Il exalte l'amour et ces temps espérés
Où n'existeront plus et la guerre et la haine,
Car les peuples enfin s'en seront libérés.

Un souffle généreux anime sa pensée.
Il souffre quand il voit souffrir autour de lui
Et souvent son cœur saigne et son âme est blessée
devant les pauvres gens que l'espoir, même, a fui.

Il va droit son chemin. Et, si la mort l'enlève,
De fraternelles mains transmettant son flambeau
(Quelques feuillets épars où sont enclos les rêves... )
Font qu'il reste vivant par delà le tombeau !

Lessay, fleur des landes
T'es triste sous ton mantet d'breume
Et ry'in au mûnd ne te distrait.
Ô ma bell'lainde, graind comm'la mé,
Ô ma Graind-Lainde de Lessay.
Louis Beuve

J'aime mon vieux Lessay, sa lande et sa landelle,
Son havre au sable d'or, son sinueux cours d'eau, 
J'aime sa vieille église et le noble château
Auxquels, malgré les ans, je suis resté fidèle.

Fougères et genêts, bouais-jan, pins rabougris,
La grand-lande s'étend, sinistre et monotone.
De ses pâles rayons, le froid soleil d'automne
Tente en vain de percer d'épais nuages gris.

Qu'il fait bon parcourir ta solitude immense,
Lande de mon pays, voisine de la mer.
Qu'il est doux de rêver dans ce vaste désert
Où sans le bruit du vent règnerait le silence.

Mais quelle est cette tour, là-bas, à l'horizon,
Dont je perçois le dôme au milieu des feuillages,
quelle est cette oasis et quels sont ces ombrages
À l'aimable ton roux caressant les maisons ?

C'est mon pays natal, son marais, sa landelle,
C'est le pont sous lequel passe un riant cours d'eau,
C'est l'église romane et l'antique château
Auxquels, malgré les ans, je suis resté fidèle.

Tempête sur la Hague

Le vent souffle et gémit. La mer est déchaînée.
La tempête fait rage et le Nez de Jobourg
Sous la brume est caché. Tel un bruit de tambour,
J'entends le grondement de la vague acharnée.

Les durs pêcheurs normands à la peau basanée,
De Saint-Germain-des-Vaux, de Goury, de Cherbourg,
De tous les ports voisins sont partis dès le jour :
Rentreront-ils, ce soir, de leur rude tournée ?

Le Cap est là tout près, je le vois d'Escalgrain.
Sinistre il se profile et l'angoisse m'étreint.
La nuit bientôt descend. Un phare, au loin, s'allume.

Rayons étincelants, puissent tous nos pêcheurs,
Résistant à l'assaut des vents et de la brume,
Retrouver de leur toit la paix et la fraîcheur !...

Horizons bas-normands Heures de rêve Amour du sol Amour des hommes de Louis Robert
publié en 1937 sans nom d'éditeur.

- Monsieur -

1 commentaire:

Anonyme a dit…

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