Pour qui connaît les Éditions Eyrolles (spécialisées en informatique, techniques et management) ce genre de titre peut susciter l'étonnement. Il en va ainsi de nombreuses maisons "historiques" qui élargissent leur positionnement. Avec la collection Histoires de vie, on est dans le "trauma".
Je suis né ni fille ni garçon est un document - témoignage sur un phénomène connu depuis l'origine de l'humanité : "l'intersexuation" (on parle plus communément d'hermaphrodisme).
Dany Salomé, l'auteur de cette biographie, est né(e) avec un sexe masculin et un sexe féminin visibles mais atrophiés. Ses parents ont "dû" choisir le sexe (le genre) de leur enfant.
Dany nous raconte son parcours scolaire, l'armée, les années d'égarement, l'envie de paternité (et la vie de couple), son changement d'identité et sa conversion religieuse, les amants de passage, la trithérapie et ses effets secondaires, les rencontres sur Internet et l'âge qui apporte la sérénité... une vie chaotique mais finalement assez ordinaire.
Après avoir multiplié les traitements hormonaux, navigué d'un genre à l'autre, Dany assume enfin son "androgynie", "son unité" comme il la nomme.
Avant d'en arriver là, le lecteur a subi les poncifs de l'enfance, d'une vie de couple ennuyeuse et les schémas de genre bien définis (la fille qui s'occupe des fleurs et de la maison, le garçon qui aime la mécanique). Le tout n'a pas beaucoup d'intérêt.
Dany, en collaboration avec Cécile Potel, écrit sans pathos, avec beaucoup de pudeur, trop peut-être. Il manque des détails, de l'intime (puisque c'est le sujet). On ne connaît rien des autres, de leur contact, de leur rapport profond avec Dany, avec le corps de Dany (comment l'abordent-ils ? Comment est son corps, son sexe ? ). Bien sûr, il n'était pas question de rentrer dans le sordide mais l'écriture aurait pu, aurait dû, apporter des sentiments, de l'émotion. Un peu moins d'égocentrisme, un peu plus d'empathie n'aurait pas nui au propos. Dany n'est pas en cause, seul le style aurait pu sauver ce témoignage d'une navrante banalité. C'est raté.
Il faut toutefois souligner les deux préfaces écrites par Ariane Giacobino, médecin généticienne et Tom Reucher, psychologue clinicien. Elles tiennent en moins de vingt pages mais ne faisons pas la fine bouche. Il s'en dégage une intelligence, une humanité rare. Leur modestie par rapport à la recherche, leur expérience, leur réflexion sur la génétique, l'identité et la norme confortent l'idée qu'il aurait été plus intéressant d'avoir une étude émaillée d'exemples qu'un document brut sans analyse ni recul.
- Monsieur -
Je suis né ni fille ni garçon de Dany Salomé aux Éditions Eyrolles, 2011.
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