Thierry Discepolo est un éditeur indépendant (Agone), marqué "à gauche" par ses convictions et sa ligne de conduite. C'est un homme droit dans ses bottes, radical. Le livre, pour lui, n'est pas un produit comme les autres ou ne devrait pas l'être. L’édition, de par sa nature, est forcément une tribune, un diffuseur d'idées, outil de débat mais également de propagande. Le constat est sociétal, politique : le livre n'est pas un média anodin.
Thierry Discepolo n'hésitera pas, dans une démonstration implacable et militante, à dénoncer le danger que représentent les superstructures commerciales pour l'indépendance éditoriale et donc pour la liberté d'expression. Il attaque, montre du doigt les connivences avec le pouvoir et réserve ses traits les plus durs aux éditeurs indépendants, ceux qui jouent dans la cour des grands : "Trahison" le mot est fort, proche de l'anathème. Mais n'a-t-il pas raison de pointer le double discours de ceux qui se servent d'un système tout en le critiquant ?
Car au delà de l'analyse précise, détaillée et nominative de l'édition française, au delà du combat où chaque assaut fait mouche, la question qui se pose est de savoir si des prises de position anticapitalistes sont tenables au sein même du système dénoncé.
Le système marchand dissout-il toute radicalité, toute pensée dans un effet "Kleenex" ? La grande distribution n'a-t-elle pas tendance à noyer les idées, les neutraliser dans un va-et-vient régulier et monotone ? La littérature n'est-elle pas aseptisée pour répondre à des impératifs de vente rapide et efficace ? Certains pensent que non : pour eux, la messe est dite. D'autres essayent de biaiser, jouer sur les deux tableaux : vendre leurs livres sans y laisser leur âme.
Pour Thierry Discepolo, la chose est impossible : l'histoire récente lui en fournit les preuves.
Pour lui, la petite édition peut vivre en dehors des gros groupes tout en restant intègre, intransigeante, en acceptant de travailler sur le temps long et non à brève rentabilité. Il faut rester fermes, auteurs comme éditeurs, savoir ce que l'on veut défendre car le danger du système capitaliste est une hyper-concentration des pouvoirs avec un contrôle de la pensée et une atonie des foules. Voilà la vraie menace.
La Trahison des Éditeurs, de Thierry Discepolo, aux éditions Agone (Contre-feux), 2011.
- Monsieur -
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