Mais un autre son de cloche résonne de plus en plus fort, au point d'inquiéter très vivement les populations, et par ricochet la classe politique. On polluerait notre eau, nos terres, au point de voir se réaliser concrètement sous nos yeux ébahis la terrible prophétie des écologistes endurcis, prévoyant que nos enfants risquent fort de ne jamais savoir à quoi ressemble un arbre, un oiseau insouciant ou un petit coin de potager.
Comment faire le tri dans tout ça ?
Petite définition : le gaz de schiste, la fracturation hydraulique, qu'est-ce que c'est ?
Depuis plus de 60 ans, le gaz et le pétrole sont extraits de nos sous-sols par forage. La plupart de ceux-ci sont dits "conventionnels" : on fore un trou vertical sur quelques centaines de mètres, on puise le gaz ou le pétrole présent dans des poches creusées dans la roche, et on remonte le tout à la surface pour traitements divers.
Pour creuser ces trous, des derricks sont installés, qui supporteront les trépans (outils de forage), ceux-ci forent le sol jusqu'au niveau souhaité. Pendant le forage, une boue, conçue à partir d'eau, de sable argileux et d'un mélange détonant de produits chimiques, est injectée sous haute pression.
Cette boue a plusieurs objectifs : refroidir le trépan pour éviter la surchauffe, consolider les parois du trou, attaquer la roche, remonter ces déblais, qui seront analysés par des géologues pour connaître le potentiel en hydrocarbure du site foré, et permettre d'équilibrer la pression pour éviter des remontées trop brutales d'eau, de gaz ou de pétrole.
Ces trous sont ensuite tubés par des cylindres de ciment.
(source : www.planete-energies.com, site Internet de Total).
Les forages dits "non conventionnels", eux, permettent d'atteindre la roche de schiste située à plus de 2000 mètres de profondeur. Dans cette roche est piégé le gaz qui intéresse tant nos pétroliers.
Même principe de forage, sauf que la quantité de boue est bien supérieure, et que ce mélange risque à tout moment de s'échapper des conduits de ciment, de se balader dans le sous-sol terrestre et d'atteindre les nappes phréatiques.
Même principe de forage, sauf que la quantité de boue est bien supérieure, et que ce mélange risque à tout moment de s'échapper des conduits de ciment, de se balader dans le sous-sol terrestre et d'atteindre les nappes phréatiques.
On les appelle des forages par fracturation hydraulique parce qu'arrivés au niveau du schiste, la pression de la boue couplée à une charge explosive placée au bout du forage vertical doit percer la roche de schiste à l'horizontal. En explosant, ce mélange fracture la roche et libère le gaz emprisonné dans la roche.
L'eau hautement polluée ne remonte pas intégralement, entre 50% et 80% reste sous terre, et s'échappe par les micro-fissures créées par l'explosion. Celles-ci ne peuvent se reboucher à cause du sable contenu dans le liquide envoyé sous terre.
En plus de cela, des fuites peuvent se former dans les tubes de ciment utilisés pour le forage vertical, et laisser le liquide rejoindre la nappe phréatique.
L'animation proposée sur le site d'Owni est largement plus parlante que n'importe quel manifeste, je vous laisse la découvrir :
Une loi a été votée, des politiciens bienveillants veillent au grain, alors pourquoi s'inquiéter ?
Parce que les textes de lois n'interdisent en rien la recherche, et que les études utilisent la même procédure que l'extraction.
Donc pas d'inquiétude, si les politiciens veillent au grain... les foreurs ne sont pas loin non-plus.
Quand Zaza lève le petit doigt...
Nous avons appris que le préfet de Seine-et-Marne a autorisé la société Zaza Corporation (ce nom pourrait faire sourire s'il ne cachait pas des choses aussi graves), née de la fusion de Toreador et Hess, à forer 14 ouvrages de surveillance de la nappe phréatique de Champigny, sensément pour analyser sa qualité. Celle-ci fournit une large partie de l'Ile-de-France en eau.
Des pétroliers seraient donc qualifiés pour analyser l'eau ? Sur leurs propres deniers ? Ne serait-ce pas une façon d'obtenir des permis de forage ?
Disons qu' ils préparent simplement des forages par fracturation hydraulique, et doivent faire précédemment des enquêtes de terrain.
Il y a quelques mois, le 1er octobre exactement, s'est tenu un rassemblement contre ces forages à Blandy les Tours, charmant village du sud-ouest de la Seine-et-Marne. Là-bas, la société pétrolière canadienne Vermillon a rouvert des puits conventionnels, et a balancé pour cela un certain nombre de produits toxiques dans les sous-sols. (voir l'article du Collectif départemental 77 plus détaillé).
Organisé à la va-vite, ce rassemblement était décevant. Peu de personnes présentes (à peine 300 selon ma propre estimation), des médias sous-représentés, et aucun représentant politique de niveau national.
On était loin de la manifestation de Doue (77) le 5 mars 2011, et encore plus loin de celle du Larzac depuis que les questions environnementales contre les lobbys industriels existent.
Et pourtant, ce que j'ai vu à Blandy les Tours ce samedi 1er octobre m'a fait frémir.
Sachant qu'une image vaut mieux que tous les longs discours, les organisateurs nous ont emmenés voir un forage conventionnel, nommé "Cluster 3" par la compagnie pétrolière.
"Conventionnel" veut dire que c'est un forage classique, n'utilisant pas la technique de la fracturation hydraulique contre laquelle on se bat. Et pourtant, les dégâts sur la nature sont déjà considérables...
Séparée du site de forage par un petit chemin pédestre, à moins de 10 mètres, se trouve la petite mare que les organisateurs du rassemblement veulent nous montrer.
De loin, on voit un bouquet d'arbres un peu jaunâtres (on est le 1er octobre, pas grand-chose d'étonnant à cela). On s'approche, on regarde à travers cette ceinture de feuillus pour découvrir le point d'eau.
Là, effroi.
On a tous en tête les images de films catastrophes américains comme La Route, où les paysages semblent dévastés, où toute vie a disparu.
On se remémore des chansons alarmistes comme celle de Mickey 3D, Respire.
On se repasse en tête le film documentaire de Gasland.
Après une première rangée d'arbres encore feuillus, on découvre un point d'eau épais, une mare d'huile couleur vert pas clair, d'où émane une odeur pestilentielle, inquiétante.
Cette mare est en fait constituée de deux petits points d'eau séparés par un amas d'arbres morts et de terre spongieuse. Le point le plus proche du forage est le plus inquiétant : l'eau ne bouge pas, ne vit plus, stagne, et donne une impression d'épaisseur visqueuse pas très ragoûtante.
Ceux qui fument à proximité sont priés, avec humour, d'éteindre leur cigarette.
Les organisateurs nient toute responsabilité si des baigneurs sacrément allumés souhaitent s'y rafraîchir. Et on les comprend :
Dans un périmètre de 3 mètres autour de cette mare au diable, plus de végétation, plus d'animation : les arbres sont morts, n'ont plus d'écorce et les branches les plus fines sont tombées depuis belle lurette. Un tronc totalement nu de plus de 6 mètres de haut domine le lieu. Vision d'apocalypse.
Entre la mare et le site de forage, un gros tuyau passe sous le chemin de terre, d'où peuvent se déverser des eaux polluées provenant directement des puits de pétrole. Et on se demande qui est propriétaire de ce bout de terrain, de cette petite mare morte.
On imagine avec des sueurs froides ce qui arrivera quand les produits utilisés pour la fracturation hydraulique autour de Blandy et dans nombre de forages en Ile-de-France et partout ailleurs ( le Monde entier est concerné), se seront infiltrés dans les sources, se jetteront dans les nappes souterraines et remonteront dans les terres et les cultures...
Au fait, quid des betteraves qui poussent autour de ce forage ?
Au Québec, fortement concerné par la fracturation hydraulique, des artistes se sont mobilisés et proposent cette vidéo :
En 2011, la mobilisation en France et en Europe a permis de faire reculer les industriels d'un petit pas. Les sociétés Toreador, Hess, Vermillon, Shell et consorts ont été mises sur le devant de la scène, à l'insu de leur plein gré.
N'oublions pas Total, qui a fait appel en France de l'interdiction de forage par fracturation hydraulique (autorisé par Jean-Louis Borloo quand il était secrétaire d'État à l'écologie ), et qui vient d'acheter des parts dans l'extraction de gaz aux USA.
N'oublions pas non-plus que ces forages non conventionnels ne concernent pas seulement l'Europe, le Canada et les États-Unis, mais aussi l'Océanie, l'Afrique et l'Asie.
Pour compléter ce billet, je conseille la lecture du livre de deux journalistes indépendants, Marine Jobert et François Veillerette , Le vrai scandale des gaz de schiste publié en 2011 aux éditions Les liens qui libèrent.
- Madame -
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