dimanche 30 janvier 2011

Fear Drop 15 : Saiwala, enquête sur l'esthétique musicale du vent.

Du souffle à l'ouragan, de la vague au baiser,
"le vent est une musique première".
Le numéro 15 de Fear Drop s'en fait l'écho.
Les auteurs y abordent leur sujet de façon didactique, claire et ordonnée.

Denis Boyer commence son premier article (Pour une cinématique des musiques bourdonnantes) par l'étude des disques publiés par trois labels de 2007 à 2009 : Afe Records pour l'Italie, Taâlem pour la France et Drone Records en Allemagne. Après avoir établi un rapide historique, il définit les axes de la musique ambiante expérimentale avec à chaque fois une sélection de disques.
Il use pour cela (au même titre que les autres collaborateurs de la revue) d'une langue poétique, imagée mais intelligible à mille lieux de la plupart des revues musicales gorgées d'un verbiage abscons et de franglicismes débiles.

Réflexions, rapprochements, références, Fear Drop multiplie les points d'ancrage, les repères, ouvrant un maximum de passerelles vers une musique que l'on peut qualifier de difficile d'accès.

Un coup d'œil sur le sommaire vaut d'ailleurs mieux qu'un long discours :

Julie Ramos accorde un extrait de la Nostalgie de l'Unité, son essai sur les rapports entre les paysages et la musique dans la peinture romantique, préambule intéressant par rapport à l'utilisation et à la transformation des éléments naturels dans la musique contemporaine.

Suit un court chapitre sur de l'arbre chantant à la harpe éolienne qui nous invite à approcher le vent.

Comme Le Parfum de Süskind éveillait l'odorat, ce numéro de Fear Drop nous fait prendre conscience de la valeur d'un souffle, tant au niveau de l'écoute que du ressenti : le corps comme instrument.

"On se trouve assurément dans la conversation des vents."

Plus loin, Jérôme Langlais nous décrit le travail de deux concepteurs de musique concrète et bruitiste (Chris Watson et B.J. Nilsen), leur approche singulière, et leur utilisation de l'enregistrement du vent : d'une carcasse de zèbre que pénètre le vent au ressac de la mer. Décoiffant.

Poursuivons notre lecture sur une sélection de disques analysés avec justesse et sérieux.

"Les disques que nous venons de traverser dans les sillages du vent, nous déploient la grande échelle de ses mouvements sonores."

Après Cédric Peyronnet qui raconte quelques expériences d'explorations sonores liées au vent, la revue se prolonge Vers la Plaine avec Laurent Margantin, auteur et poète invité, preuve, s'il en était encore besoin, d'un éclectisme de choix.


Et nous pouvons fermer les yeux à l'écoute du CD, nous laisser transporter vers des pays intérieurs, nos âmes habitées.
On est loin de la musique d'ambiance et de Nature et Découvertes.

Fear Drop numéro 15. Saiwala, enquête sur l'esthétique du vent.
Revue dirigée par Régis Boyer.
Image de couverture : Zhao Mengfu.
Inclus, un CD-compilation de 14 titres : Neumes du vent.
De nombreux liens Internet à la fin de chaque article permettent de prolonger la lecture et l'écoute.

- Monsieur -

samedi 29 janvier 2011

Monsieur Zizi

Pour la Saint Valentin, tout homme qui se respecte doit offrir à sa dame un petit quelque chose :

Un présent pour faire oublier 364 jours de goujaterie et de maladresses...
ou un cadeau pour déclarer sa flamme, future relique des jours heureux.
Les dames de leur côté ont aussi droit au chapitre et participent de bon cœur à la mascarade   aux réjouissances.
Les éditeurs, quant à eux, prisent le côté grivois.

Et ils pensent aux enfants !
Si, si.
Pourquoi pas ?


Monsieur Zizi sort actuellement.
Et s'il y a un lien avec la Saint Valentin, n'allez pas y voir le mal...

L'ouvrage est amusant, le graphisme bien que léger est sympathique.

Le texte peut faire sourire même s'il mollit rapidement (c'est un comble).
- Heureusement, il n'y a pas beaucoup de pages car l'ennui ne tarderait pas à gagner le lecteur. -

Les auteurs se sont fait plaisir, il n'y a pas de mystère, et leur complicité n'a pas de tabous.

Il n'y a cependant rien de vraiment gênant, ni d'offusquant pour un enfant.
Il y a le nom du héros et les allusions en rapport qui peuvent susciter des questions. À charge pour les parents et les bibliothécaires de répondre aux nombreux " pourquoi " que le livre suscitera.

Mais au-delà de l'aspect de Monsieur Zizi et de son classement en "petite enfance", personne n'est dupe (le décalage - confusion - entre le sujet et le public auquel il est censé s'adresser provoque justement chez l'adulte un amusement faussement outragé).

Même si ce livre peut faire pouffer les filles et intriguer les garçons, il ressemble plus au petit geste de dernière minute que l'amoureux pressé offrira à sa belle, déconfite.

- Monsieur -

Monsieur Zizi, texte de Marie-Hélène Versini et dessins de Vincent Boudgourd aux éditions Milan, janvier 2011. (de 3 à 7 ans, dixit l'éditeur)

lundi 24 janvier 2011

Tavik František Šimon, peintre oublié du 20e siècle

English version : Tavik František Šimon, forgotten painter of the 20th century
 
Animation des rues, activité commerciale, monuments et quartiers historiques... Le Paris des années 1910, 20 et 30 reste en mémoire grâce à la photographie mais surtout à la peinture et à l'illustration.

Place Maubert, Paris, 1914, réf. Novák 227.
C'est au hasard de recherches sur les 36 vues de la Tour Eiffel de Henri Rivière que nous avons découvert le peintre Tavik František Šimon, injustement méconnu.


Carnival in Paris, 1909,
réf. Novák 102
Né en 1877 en Bohème et décédé en 1942 à Prague, il voyagea beaucoup à travers le monde, et principalement en Europe. Il rapporta de ses voyages quantités de lithographies, gravures, dessins et tableaux.

Peintre des rues, il immortalisa celles de Tanger, Londres, Paris, Amsterdam et Prague. Ses vues sont pleines de vie : les passants, artisans, figures des quartiers mais aussi la circulation, les fumées de cheminées et moyens de locomotion y sont représentés, témoins de ce que fut la vie dans les grandes villes au début du 20e.

 À la recherche de livres sur Šimon


Quai Voltaire, Paris, 1919
réf. Novák 404
Découvrir une oeuvre de Šimon, dans notre cas la série des Trente-six vues de Notre-Dame de Paris, donne envie d'en voir plus. Bibliothèques, librairies et bouquinistes furent écumés pour essayer de retrouver de la documentation sur l'artiste.

J'ai cherché ce qui pouvait être publié sur lui en France, sans rien trouver. J'ai pourtant bénéficié de l'aide des éditeurs de la RMN et de bibliothécaires de la BnF (que je remercie chaleureusement au passage pour leur gentillesse et le temps qu'ils ont consacré à ma demande).

Des recherches auprès des libraires de Prague n'ont pas abouti... la documentation sur Šimon semble quasi nulle.

Commercial street, Kyoto, Japan, 1928
réf. Novák 479
Heureusement pour nous une équipe hollandaise d'admirateurs réalise un travail exceptionnel via son site Internet, tfsimon.com. Elle recueille et diffuse un maximum d'informations sur l'artiste, complétées par des amateurs à travers le monde.

La base la plus importante pour ce travail de fourmi est la catalogue raisonné qu'Arthur Novák, un ami de Šimon, a réalisé en 1937. Il s'était donné comme but de faire un inventaire des œuvres de l'artiste, avec technique, taille et référencement.

Rue Royale in the rain, Paris, 1925, réf. Novák 429
J'ai finalement déniché une version revue et augmentée du "Novák" à la galerie Frederick  Baker aux États-Unis. Cette galerie a publié ce catalogue lors d'une exposition dédiée à Šimon il y a quelques années.

En moins d'une semaine, je reçois le catalogue commandé. Je saute de joie et découvre que l'éditeur a pris soin de reprendre les références de Novák.
Ainsi, on peut retrouver facilement sur le site de l'artiste les œuvres présentées en très petit format dans le catalogue.

J'en savoure la lecture, en me demandant ce qu'attendent les musées et responsables d'événements pour dédier à leur tour une expo à ce peintre méconnu. Pourquoi ne pas faire une expo groupée, reprenant le travail de plusieurs artistes de cette époque à Paris ou en Europe ?
Je relance l'invitation de Catharine Bentick à l'attention des "tchèquophones" tenté par l'idée : rédiger une biographie la plus exhaustive possible et ainsi permettre au plus grand nombre de (re)découvrir la vie et l'œuvre de ce peintre exceptionnel.


Indian Girls, Ceylon, 1931, réf. Novák 53
Charles Bridge in Winter, Prague, 1916, réf. Novák 255


Tangier Nocturne, 1914, réf. Novák 226





Remerciements : 
- aux éditeurs de la Réunion des Musées Nationaux,
- aux bibliothécaires de la Bibliothèque Nationale de France 
(ces deux services ont passé un certain temps à faire des recherches, leurs mails étaient chaque fois très complets)
- à Alice, mon "enquêtrice" en République Tchèque.

Merci de votre aide !

- Madame -

The Graphic Work of T. F. Šimon
par Scot A.Campbell
éd. Frederick Baker 2002

samedi 22 janvier 2011

Autour du Monde

Cette liste est destinée à ouvrir nos horizons parce qu'il n'y a que dans l'échange et la connaissance que nous pouvons grandir. Nous la compléterons au fur et à mesure de nos découvertes. Elle restera accessible sous le titre Autour du Monde dans la rubrique des liens.

Nous commençons par quelques sites généralistes :

Francophonie, site officiel.

Alliance française, pour favoriser les échanges culturels et enseigner le français à l'étranger.

TV5 Monde, chaîne internationale de télévision francophone.

Courrier international, journal francophone offrant une sélection d'articles de la presse étrangère.

Le Monde diplomatique, journal francophone.

L'Harmattan, éditeur-diffuseur avec un classement des titres par régions du Monde.

Voici ensuite quelques sites d'évènements culturels :

Les Belles Étrangères, festival annuel créé pour favoriser la découverte d'une littérature étrangère. Ne pas manquer les documentaires réalisés lors des éditions précédentes.  

Étonnants voyageurs, festival international du film et du livre.

Les Boréales, festival consacré à la création dans les cinq pays nordiques (une fois sur le site, il faut se placer sur le cartouche rouge Boréales pour faire apparaître les archives et la programmation).

Prolongeons notre balade en naviguant de pays en pays :

Russophonie, une porte vers la littérature et la culture russe (de nombreux partenaires).

Le courrier de Russie, journal franco-russe dédié à l'actualité en Russie (quelques pages culture).

Shunkin, site consacré à la littérature japonaise.

Shoten, librairie spécialisée sur le Japon.

CASE, Centre de Recherche sur l'Asie du Sud-Est.

Gavroche, magazine francophone consacré à la Thaïlande, au Cambodge, au Laos, à la Birmanie, au Vietnam.

Littératures d'Extrême-Orient, Textes et Traduction, site de l'Université de Provence.

 Afpc, association des professeurs de chinois.

Inde en livre, tout est dit dans le titre.

Africultures, site très complet sur l'actualité culturelle africaine.

Soumbala, librairie consacrée au Sahara et à l'Afrique subsaharienne.

L'île, Infocentre Littéraire des Écrivains québécois.

Espaces latinos, association de promotion de l'Amérique latine. À remarquer le lien vers le festival des Belles Latinas.

Quelques sites musicaux :

Mondomix, site de musiques et cultures dans le Monde.

Berceuse électrique, blog des musiques du Monde.

mercredi 19 janvier 2011

Où l'on parle d'ouvrage défectueux

La nature comporte son lot de bizarreries et d'étrangetés qui font rêver les amateurs.
Ce livre en est un bel exemple :




Images réalisées sans trucage.

- Monsieur -

dimanche 16 janvier 2011

Lune de Miel

Paris, métro Cluny-Sorbonne.
Un grand dadais est empêtré dans ses poches.
Il cherche quelque chose.
Les gens fuient le chagrin, dévalent les escaliers.
Il est 17 heures, une journée consumée à la lueur des néons.
Le tourbillon des tourniquets se fait incessant :
valse sonore, clac ! Valse sonore, clac !
Les messages automatiques s'échappent des quais et s'évanouissent sur la faïence.
Le grand dadais reste planté à chercher son coupon.
Un homme le regarde. Cet homme a le temps, l'éternité pour lui.
Il prend son portefeuille et lui tend un ticket,
n'attend rien en retour.
Cet homme, c'est Cavanna.
C'était, il y a deux ans, peut-être trois ou quatre...
il ne l'écrira pas parce que ça n'a pas d'importance mais c'est le genre de geste qui résume le bonhomme.


François Cavanna ne se raconte pas, il raconte les autres, celles et ceux qui ont croisé ses pas :                                                                                  Miss Parkinson et sa terrible emprise ;
Virginie, la petite Virginie qui paraît si craquante qu'il nous en rendrait dingues ;
Choron, bien sûr et sa femme, ses amis, ses amours...
Cavanna se fait spectateur de lui-même. 
Une sorte de quidam embarqué dans la vie. Il raconte son parcours avec une simplicité et une humilité désarmantes. 
Pris dans les évènements, il fait avec, il compose.
Parfois, bien sûr, il les bouscule, il les provoque mais parce qu'il faut avancer, faire passer les épaules.
C'est tout ; c'est juste de la débrouille, de la survie et des rencontres.
C'est la vie ordinaire d'un homme peu ordinaire (ou le contraire). 
Des décennies de ruades placées dans un haussement d'épaule. 
" C'était comme ça, voilà tout. " semble-t-il balayer. 
On va pas en faire un fromage.

Pourtant, Cavanna,
c'était des coups de gueule, des colères,
un rire plein de tendresse et une bonté à toute épreuve,
un enthousiasme et une curiosité insatiable. 
Cavanna, c'était le maçon devenu écrivain, c'était les dessins, 
c'était la liberté.


Enfant, Cavanna était mon héros, intègre, invulnérable, mon ancêtre Astérix.
Coincé entre la violence sourde et rigoriste d'une école religieuse et le rire explosif et régénérateur d'Hara-Kiri, j'avais choisi mon camp.


Lune de Miel  for ever.

Je prends son livre à rebours. Je pioche dans les chapitres, au p'tit bonheur ; quelle chance !
J'approche sa romance, 
j'aime voyager du pays des souvenirs à celui du présent.

Que d'années ont coulé sous les ponts...

Que de mélancolie dans la voix malgré le rire qui pointe sous la moustache
et l'Amour, toujours, qui balance des œillades.
Que de pages magnifiques ! 
Les mieux écrites, peut-être, qu'il n'ait jamais offertes !
Sur Virginie d'abord, accompagnatrice des derniers jours dont on tombe éperdument amoureux (dans Aladin et dans d'autres chapitres, avant et après...), sur les rapports homme-femme, vieil homme-jeune femme (ce que l'on peut chercher à 80 balais), sur la camaraderie (page 210), sur le métier d'écrire (quel superbe chapitre que Devenir écrivain ! )...

La Lune de Miel (période où la maladie de Parkinson se met en pause) peut durer, Cavanna est toujours un grand Homme, fragile mais frondeur, sensible, terriblement sensible.

Il est la figure du père (le croirait-il, lui qui livre une vision si précieuse du sentiment de non-paternité, à la fois rare et honnête, à rebrousse-poil de la pensée générale, dans le chapitre sur les têtes blondes ? ).

Il est ma république, mon sentiment français, ma non-renonciation.


Cavanna, je vous aime.


À voir un passage très émouvant dans Choron Dernière de Pierre Carles où il évoque ses relations avec Georges Bernier.
On peut aussi écouter Radioscopie, émission du 30 Avril 1975 où Jacques Chancel le reçoit.

Lune de Miel de François Cavanna aux éditions Gallimard, 2011.

- Monsieur -

vendredi 14 janvier 2011

Le Livre : une approche économique, culturelle et citoyenne.

Ce n'est pas pour se faire politique ni pour coller aux basques de l'actualité que nous relayons l'édito de Ricochet.
L'éventuelle fermeture de ce centre de ressources consacré à la littérature jeunesse serait désolante.
Des années de travail réduites à néant !

Au delà de la procédure judiciaire en cours, c'est l'abandon des pouvoirs publics qui est le plus déplorable.
Pendant des années, des associations ont remonté les manches, fait un travail remarquable, ont pallié les manquements de l'État, et du jour au lendemain, ciao, bye bye ! On efface tout.
Le phénomène n'est pas nouveau.

Absence de vision à long terme, absence d'intérêt culturel, mépris pour la francophonie : les restrictions budgétaires ont bon dos !


- Monsieur -

Nous profitons de ce billet pour soutenir le manifeste de la FILL (Fédération interrégionale du Livre et de la Lecture) qui s'interroge sur la place de la culture et particulièrement du Livre dans la réforme des collectivités territoriales.

mardi 11 janvier 2011

Le métier de vivre.

Nocturne. Mal de crâne. Mes chéris dorment près de moi.

Ma femme et mon enfant.

Une lueur bleutée auréole mon pouce. J'allume le PC. Un ronflement régulier envahit le silence troublé par les sursauts du café qui s'écoule. Brûle-gueule insipide et sans odeur qui fait passer les douleurs. L'ombre de ma vieille carcasse est projetée au mur. Usée par les nuits sans sommeil, fatiguée de ne pouvoir dormir.
Le décor est posé.


envoyé par mudar1488.

La bande-son accompagne la lecture.
En boucle.

C'est un métier de vivre.

Je navigue dans la pléthore de sites personnels. Certains se détachent pour leur contenu et par leur style, et l'on s'attache à leurs auteurs.

Anakin est de ceux-là. Il maîtrise avec finesse la langue du désespoir pour nous confier sa solitude et ses tourments. La précision des mots, à la fois sombres et rock, la densité des phrases, cet exercice intérieur tourné vers l'extérieur, font de ses courts chapitres un dialogue à l'Amour.
Si Internet avait ses lettres de noblesse, quand Internet aura ses anthologies, Anakin figurera en bonne place dans les auteurs de journaux littéraires.

Anakin, écrivain, reste discret sur ses combats pour le respect des animaux, contre l'homophobie, en faveur de l'Humain. Ce n'en est que plus honorable.
Mais il se fait aussi passeur et entraîne avec lui quelques auteurs anonymes dont la plume ou la liberté de ton est choisie avec goût.

Je n'aurais qu'un regret en refermant ce billet, celui de n'avoir pu retrouver les musiques du moment dans le grenier de ses "vieilleries" ; mais restent les souvenirs...

En images et fond sonore, La Maman et la Putain de Diabologum d'après le film de Jean Eustache.

Le Métier de Vivre, site écrit et tenu par Anakin. 
Le Métier de Vivre, journal éponyme de Cesare Pavese.

Paris, 2 heures du matin.

- Monsieur -

jeudi 6 janvier 2011

Nouvel an et gueule de bois.

D'après un sondage BVA-Gallup, les français sont les champions du pessimisme. Ce n'est pas aujourd'hui que nous démentirons ce titre de gloire. On sera au moins les champions dans un domaine.

L'année 2010 aura rimé avec les restrictions budgétaires.
De nombreuses associations (notamment culturelles) en ont fait les frais.
Pourtant, malgré certains abus, l'argent public dépensé dans l'éducation et l'accompagnement évite, dans bien des cas, la répression future des citoyens perdus.

Livres au Trésor faisait partie de ces équipes qui effectuent un travail admirable en faveur de la lecture et de l'enfance, dans un département, de surcroît, qui en a bien besoin (Seine-Saint-Denis). C'est fini.
Nous vous invitons à consulter leur site avant la fermeture de celui-ci et à conserver leurs dossiers PDF qui sont d'une qualité exemplaire.


Dans le même temps,
Actualitté, le site d'informations, gratuit et indépendant, consacré au Livre, annonce la fermeture du Comptoir des Indépendants. Difficile mais guère surprenant. En espérant qu'il n'y ait pas trop de dégâts pour les éditeurs diffusés...


Peu de gens, hors du cercle éditorial, connaissent la situation des salariés du Livre. C'est pourquoi nous relayons le énième appel votif des partenaires sociaux pour l'ouverture d'un dialogue avec le SNE.

Lettre ouverte à Antoine GALLIMARD
Président du Syndicat national de l'Édition



Paris, le 5 janvier 2011

Monsieur le Président,

Notre déception est profonde en ce tout début d’année 2011 de constater que vos six premiers mois de présidence à la tête du SNE n’ont en rien modifié les pratiques, ni les desseins de votre organisation professionnelle à l’égard de l'intersyndicale de la branche et des salariés qu’elle représente.

Pour le SNE, la dimension sociale demeure à l’évidence la dernière de ses préoccupations !

Pourtant, lors de notre rencontre du 22 septembre 2010, après votre élection à la tête du SNE, les organisations syndicales avaient pu espérer, sur la base de vos propos, que vous ne laisseriez pas un sujet de négociation aussi important que la nécessaire revalorisation des salaires minima conventionnels enterré dans la situation de blocage et d'échecs subis depuis des années.

Au cours des trois dernières années, la délégation du SNE a fait pression sur l'intersyndicale pour obtenir la suppression de la garantie annuelle de salaire, équivalent d'un treizième mois conventionnel. Or, il s’agit là de l’un des rares et derniers acquis pour les salariés de l’Édition qui n’a pas été supprimé à l’occasion des dénonciations en série de la convention collective par le SNE !
Le chantage permanent du SNE pour obtenir la suppression de cette garantie annuelle contre un relèvement des grilles de salaires minima aboutit aujourd’hui à ce que l’ensemble des niveaux conventionnels des employés et deux niveaux des agents de maîtrise et techniciens se situent sous la barre du SMIC, ce qui est indigne de notre branche.

Lors du comité de suivi national de la négociation salariale de branche, le 25 novembre 2010, l’Édition a été signalée par la Direction générale du travail comme l’un des deux plus mauvais élèves parmi toutes les branches professionnelles. Un tel état de fait, très nuisible non seulement aux salariés mais aussi à l'image de notre branche, peut-il vous satisfaire, en votre qualité de Président chargé de défendre les intérêts de l’Édition française ?

La question du relèvement des salaires n’est pas, hélas, le seul sujet social laissé à l’abandon par la commission sociale du SNE. Le sombre bilan de l’année 2010 est éloquent :
  • refus d’une négociation de branche en vue d’un accord sur l’emploi des « seniors » ;
  • rejet de toute discussion sur la portabilité de la prévoyance, le SNE ayant affiché sur ce sujet un cynisme total à l’égard des anciens salariés de l’Édition indemnisés au chômage !
  • manque total de volonté d’aboutir à la révision de l’accord de branche pour l’accès des salariés à la formation professionnelle ; depuis plus de six mois, la délégation sociale du SNE ne convoque plus les organisations syndicales, alors que le SNE dispose d’un texte complet proposé par celles-ci…
  • et toujours aucune négociation engagée sur l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, ni la moindre initiative du SNE pour stabiliser les conditions d’application du dialogue social dans la branche et les entreprises, en application des dispositions de la loi du 20 août 2008 !
Rien ne justifie, au plan économique, que les dirigeants de la branche de l’Édition affichent un tel mépris à l’égard du devenir des quelque 14 800 salariés (sources bilan 2009 OPCA CGM) qui contribuent à l’activité de l’Édition française et à son essor.

Le chiffre d’affaires de l’Édition est resté stable ces trois dernières années (2 829 millions d’euros en 2009). Une stabilité que lui envient bien d’autres secteurs culturels touchés par la crise. Car le livre demeure largement en tête des biens culturels en termes de poids économique du secteur : il pèse pour 54 % dans son chiffre d’affaires global, contre 10 % pour les CD, 18 % pour la vidéo et 18 % pour les jeux vidéo.

L’Édition française vient d’obtenir des pouvoirs publics l’extension du taux de TVA à 5,5 % sur les livres téléchargeables, ce qui augmente encore les conditions économiques favorables et protectrices dont elle bénéficie.

La branche pourra-t-elle encore longtemps prétendre bénéficier des allègements de charges sur les bas salaires que lui procurent les milliers de salariés qu’elle paie au SMIC, notamment ces salariés qui assurent les activités de distribution du livre et dont le SNE ne veut pas reconnaître l’affiliation à la convention collective… ?

En ce tout début d’année où la coutume s’inscrit dans la transmission des vœux pour les mois à venir, nous voulons souhaiter pour la branche de l’Édition l’avènement d’un dialogue social loyal, libéré des chantages et des arrière-pensées. Un dialogue équilibré, respectueux des salariés et de leurs représentants. Un dialogue qui sorte du moins-disant social et des atermoiements.

Car ce dialogue, vous le savez, est indispensable pour relever de manière moderne et responsable les défis complexes qui attendent l’Édition, notamment ceux du numérique.

Monsieur le Président, il faut que 2011 marque la fin de l’indigence sociale pour les salariés de l’Édition française !

Paris, le 5 janvier

Pour la CFDT Martine Prosper m.prosper@casterman.com
Pour la CGT Laurent Gaboriau gaboriau@filpac-cgt.fr
Pour FO Jacqueline Becker fosnpep@voila.fr
Pour la CFTC Robert Vanée cftcfedecom@free.fr
Pour la CFE-CGC Véronique Chanson veronique.chanson@placedesediteurs.com


Ce sera tout pour aujourd'hui.
Les années passent et se ressemblent (nous ne regardons même pas ailleurs).
2011 embraye sur 2010.

Vivement l'année prochaine qu'on rigole !

- Monsieur -