jeudi 12 août 2010

Les Braises

Une amitié entre deux hommes qu'on croyait indéfectible a été mise à l'épreuve, et a cédé. Brutalement. Ont suivi quarante et une années et quarante-trois jours avant qu'ils ne se revoient.

L'un de ces deux hommes, Henri, est le fils d'un militaire magyare, lui-même capitaine des armées. Soutenu par une famille de sang bleu, riche, c'est un homme enraciné dans son château hongrois, passionné de chasse et profondément blessé par cette amitié perdue. Il en a fait sa seule raison de vivre, et espère pouvoir se venger.

Conrad, lui, est issu d'une famille pauvre de Galicie. Placé enfant à l'École Militaire de Vienne, il y rencontre Henri, et fait lui aussi carrière dans l'armée malgré un tempérament plus mélancolique et une passion dévorante pour la musique.
Fier et orgueilleux, il ne doit rien à personne. Il s'est fait tout seul, et s'est détruit tout seul.

Leur fin à tous les deux est proche mais, avant de mourir, ils savent qu'une explication est nécessaire, qu'ils ont besoin de se revoir une dernière fois pour vider leur sac, partir l'esprit tranquillisé.
Cette rencontre aura lieu au château d'Henri, remis en ordre, comme au dernier soir passé ensemble, par la précieuse (et très vieille) Nini, soutien maternel du vieux châtelain.

L'ambiance est masculine, sombre comme un sous-bois dense, pleine du faste révolu de la noblesse austro-hongroise. Elle laisse sourdre la douleur du passé, la nostalgie de l'Empire d'Autriche-Hongrie dans une Europe bousculée par les guerres mondiales qu'on aperçoit en filigrane. Elle me fait penser à certains romans de Stefan Zweig, ou encore à Ouest de François Vallejo.

Écrit dans une langue précise et sûre, ce petit roman fait partie des classiques de la littérature des pays d'Europe Centrale, interdit dans son pays jusqu'en 1990. Les descriptions ne représentent qu'une petite partie du texte, plutôt orienté vers les personnages, mais on s'imagine tout à fait les décors de cette histoire.

Le huis-clos entre les deux vieillards n'est pas étouffant, contrairement à d'autres romans construit sur le même principe, les flashbacks laissant le lecteur vagabonder vers d'autres lieux, très éloignés de cette forêt ; c'est un roman prenant, qu'il faut pouvoir lire rapidement pour mieux savourer le mystère de cette longue séparation.

À découvrir d'urgence, avant de se pencher sur les autres textes de Sàndor Màrai. Ce que je m'empresse de faire !

- Madame -

Les Braises
de Sàndor Màrai
éd. Le Livre de Poche
2003

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