mardi 29 janvier 2008

Les mots ont des visages 1 et 2


Joël Guenoun est un magicien, un graphiste qui jongle avec les lettres, les mots, leur sens.
Je suis tombé par hasard sur son site, en pianotant au petit bonheur la chance. Brillant! Il m'a émerveillé.
J'ai donc commandé deux de ses livres (épuisés) sur le net: "Les mots ont des visages" tome 1 et tome 2, respectivement 5 et 3 euros.

Première déconvenue: les frais de port en collissimo s'élèvent à 12 euros pour environ 1 kg (délai de livraison 5 jours). Un total de 20 euros pour 2 livres au format poche, la pilule est amère.

Deuxième déconvenue et litige pour indélicatesse: les ouvrages proviennent d'une bibliothèque scolaire (couvertures protégées, cachet sur quelques pages... ). Je suis perplexe et mécontent. Est-ce un vol ou du déstockage? Le saurai-je un jour? J'en doute.

Troisième déconvenue et j'en arrive aux livres:
c'est un ratage.
À commencer par le choix du papier au travers duquel on peut lire les deux faces imprimées.
En continuant par la mise en page pour laquelle il ne semble y avoir eu aucune attention, aucun soin particulier. Les exercices de style se suivent de bout en bout, placés là sans recherche. Je grommelle mais je reste ébloui par la finesse d'esprit de Joël Guenoun dont le travail conserve toute sa saveur.
Je passerai ma colère sur le noir et blanc déplorable... quelle tristesse! Même les gris sont ternes et sans nuance.
Ça m'apprendra à commander sur Internet sans avoir pu feuilleter, regarder, ressenti l'objet, le livre.

Bien sûr, je suis peut-être trop exigeant pour un livre broché mais tout de même. Je ne sais pas ce qu'en a pensé l'auteur mais il y a de quoi déprimer. Quelle déception! Quel manque d'élégance et de charme pour une collection consacrée au graphisme!
Les livres étant épuisés, il est à espérer que les éditions Autrement ne recommencent pas ce genre de "maladresse". Ce travail ne fait honneur à personne, ni à l'éditeur, ni à l'imprimeur, ni à Joël Guenoun.
Je ne peux que vous recommandez d'aller visiter son site web pour que vous constatiez ses qualités graphiques. Cet amour de la lettre, ce bonheur des mots! L'humour qui le parcourt est rendu avec grâce. L'ensemble est à la hauteur du talent. On y trouve du panache, du travail et du temps, ce qui a dû manquer aux livres.

-Monsieur-

Joël Guenoun (le site)
Tout change tout le temps
aux éditions Circonflexe 2007
Joli monde éd. Autrement 2005
Les mots ont des visages Elle et Clé (tirages destinés à la jeunesse)
aux éditions Autrement 2005
Les mots ont des visages (éd. intégrale)
-À voir pour le travail exemplaire et jubilatoire de Joël Guenoun.-
aux éditions Autrement 2000

dimanche 27 janvier 2008

Cercueils sur mesure


Un matin vous sortez de chez vous, vous partez à la rencontre de votre facteur, vous lui dites un mot gentil, il vous donne votre courrier en souriant puis chacun retourne à son activité.
Sur votre pile de lettres se trouve une petite boîte à votre nom.
Vous l'ouvrez, et vous découvrez à l'intérieur un petit cercueil, tout simple mais aux finitions soignées. Et dans le cercueil se trouve une photo de vous, prise à votre insu.
C'est ce qui est arrivé à plusieurs personnes dans un petit village de l'Ouest Américain.
Tous décédés depuis de mort violente.
Heureusement se pointe un enquêteur assidu, Jake Pepper, qui tente par tous les moyens de savoir QUI vous en veut vraiment. Et pourquoi...
Mais les villageois sont comme les membres d'une même famille. Où les secrets peuvent être lourds... de conséquence...

Entre la nouvelle et le roman, ce texte d'à peine 120 pages nous entraîne dans une enquête au goût relevé. Truman Capote avait habitué son lectorat à une écriture prenante après "De sang froid", porté à l'écran il y a 4 ans, il ne l'a pas déçu avec cette histoire tirée d'un recueil initialement édité sous le titre "Musique pour caméléons".
Que je vais de ce pas me procurer...
À savourer sans modération!

-Madame-

de Truman Capote
éditions Folio Gallimard
2001

Autour du livre (tentative d'analyse)

Partie I : Quid du lecteur?

Le livre a longtemps été un objet prestigieux. L'écriture, la lecture (et donc le savoir) procurait une aura à ceux qui en maîtrisaient les règles. Qu'en est-il aujourd'hui? Qu'en sera-t-il demain?

Il y a cinquante ans, le lecteur était considéré comme un intellectuel, un faignant ("t'as rien à faire?"), désormais il est regardé comme un asocial ("tu t'ennuies pas tout seul?") ou un privilégié ("je voudrais bien lire mais je n'ai pas le temps, j'ai trop de choses à faire, moi."). Autrefois, on pouvait entendre: "j'aime bien lire mais ça m'endort." car la lecture nécessite l'isolement, le calme (on décompresse, on se relâche; la tension nerveuse peut enfin retomber). Actuellement, certaines réflexions résonnent abruptement: "ça me prend la tête." (la lecture exige en effet un effort, de la concentration, une discipline) ou plus terrible: "ça sert à rien, ce n'est pas ça qui va m'apporter un travail." (?!)
Au quotidien, il ne reste plus grand chose de la littérature (au sens large) si ce n'est des souvenirs d'école. On ne connaît plus que sa version allégée et son versant économique délivrés par les mass-médias. On lit encore la presse, le courrier, les blogs et les forums mais il faut que ça aille vite, que ce soit bref et concis. On ne fait plus la différence entre un livre et une revue ("un bouquin")...

Le constat est bien sombre; j'aimerais exagérer.

Une chose est sûre: la place de l'écrit n'aura jamais été aussi prépondérante. On lit sans s'en rendre compte (blogs, texto, prospectus...) mais prendre un livre, se "poser" n'est pas une priorité (cela l'a-t-il été un jour?). À une époque où l'économie supplante l'intellectuel, l'écrase même, le livre a perdu sa valeur (prestige, respect); la maîtrise du texte n'apporte plus l'évolution sociale espérée.

-Bien sûr, il reste des bibliophiles et -phages qui ont un besoin vital (maladif?) de livres quitte à rogner sur un budget pas toujours extensible. Pour eux, Internet n'est qu'un outil qui facilite les recherches et permet de peaufiner, préciser ses connaissances.

-Il y a aussi les bons et gros lecteurs, de plus en plus infidèles à la librairie de proximité. Ils vont au "moins cher" (soldeurs...), là où se trouve l'information, l'ouvrage. Ils piochent sans vergogne ni souci éthique. Ceux-là commandent de moins en moins au près des libraires, ils veulent de l'immédiateté, de l'universalité. Ils naviguent aisément d'une source à l'autre. Ils ont les moyens intellectuels mais aussi financiers de s'informer, de prendre le temps de lire (mais pas d'attendre). Ils se font plaisir avec un beau livre, une rencontre, un échange...ils diversifient déjà leurs lectures, les supports. Certains feront le choix de ne pas se laisser envahir par leur bibliothèque.

-Il y a aussi ceux qui lisent de temps en temps (que ce soit la presse, un livre ou un article), ceux qui lisent dans les transports ou pendant leurs vacances; ceux qui n'ont pas l'appréhension de la chose écrite mais n'en ont pas l'usage, l'utilité ni le besoin... ceux qui fréquentent les bibliothèques pour être au calme (parfois aussi pour le contenu); ceux qui lisent pour leurs études. Ces lecteurs-là sont des clients de passage, occasionnels, nombreux. Le livre n'est pas pour eux une priorité mais un coup de cœur, une envie ou un passage obligé.

-Dans la dernière catégorie se trouvent les non-lecteurs. Le problème pour eux commence à l'école où ils se sentent largués, exclus. L'écriture, la lecture, la maîtrise du verbe est une gymnastique difficile et laborieuse qui mériterait un accompagnement quasi personnalisé. Cette absence de maîtrise de la lettre est vécu comme un handicap. Elle s'exprime alors par le repli sur soi ou au contraire par une exaltation, un rejet proclamé de la langue écrite, officielle. Les professeurs, les donneurs de leçons, les personnalités qu'on entend sont ceux qui lisent et écrivent; leurs discours sont disqualifiés, ressentis comme du mépris. Le livre devient le symbole de l'establishment.

C'est pourquoi au delà du discours inquiet sur l'avenir du livre, mon interrogation se porte sur la pratique de la lecture. C'est à mon sens le manque de maîtrise de la langue et des outils de recherche, de communication (capacité à appréhender, comprendre, analyser et structurer) qui est le plus à craindre dans les années à venir.

-Monsieur-

Quelques articles sur le même thème:
La vie des idées: Pourquoi brûle-t-on des bibliothèques?
Le bulletin des Bibliothèques de France sur les étudiants en bibliothèque où l'on pourra lire l'article de Guy Hazzan: Les étudiants face à la lecture
et toujours le très pertinent Hubert Guillaud sur la feuille

samedi 26 janvier 2008

Pause Lecture

jeudi 24 janvier 2008

Zizi sexuel flip book


Il y a quelques années Hélène Bruller nous a honoré d'un guide du zizi sexuel illustré par son compagnon. Elle nous a servi un texte d'une grande finesse, drôle et intelligent que Zep a habillé de ses images décomplexantes. Ils ont réussi à parler de sexualité aux plus jeunes sans fausse pudeur ni grossièreté en privilégiant l'échange et le respect (il n'y a pas de honte à ne pas savoir).
Grâce aux interrogations naïves (pour nous qui sommes majeurs et vaccinés) et aux espiègleries de la bande à Titeuf, Zep a su éviter l'écueil de la vulgarité. C'est aussi la caractéristique de son dessin très souple que d'estomper le côté cru de "la chose".

Face au succès de l'album (le thème est accrocheur) et à son approche simple et naturelle, le projet d'une exposition itinérante est mis en branle. C'est une consécration de plus pour Zep: il suffit d'observer les réactions des enfants, de les entendre à la sortie pour comprendre que ça marche! Que rêver de mieux pour un auteur que de voir son livre déployé en long en large et en travers, et pour un enfant de circuler au milieu de ses héros de papier?

Ne faisons pas la fine bouche devant la flopée de produits dérivés qui en découle. Même si l'on frise parfois l'overdose, le travail est bien fait.
A défaut d'une revue adaptée avec poster central de la maîtresse (ou du maître) en maillot de bain, les amateurs devront se contenter de quelques folioscopes "pédagogiques": Faire l'amour, Pubertomatic fille... c'est tellement mignon que l'on ne s'en lasse pas!
Ces coquineries sont suivies d'un court texte d'Hélène Bruller traduit en anglais, espagnol et allemand qui dédramatise un sujet encore tellement tabou. Si j'osais, je parlerais de doigté.

-Monsieur-

Guide du zizi sexuel -2001
Zizi sexuel flip book (6 titres)
de Hélène Bruller (texte) et de Zep (dessins)
éditions Glénat/Cité des Sciences et de l'Industrie
2007

mardi 22 janvier 2008

Merci professeur!



Bernard Cerquiglini est un passeur d'histoire, un conteur de talent.
Ce linguiste chevronné dissèque avec justesse les mots de notre langue. Il les écosse avec brio pour en tirer l'essence, le suc originel. Il nous en sert le jus, nous raconte leur voyage. Ce passionné ne cache pas son plaisir, il goûte son propos avec satisfaction et se régale avec nous. Chaque mot dévoilé, chaque expression nouvelle est une révélation. Le professeur nous laisse pendant ces courts instants (moins de deux minutes) suspendus à ses lèvres.
Son verbe est malicieux, bien enlevé; jubilatoire et savoureux.
"Merci professeur!" est le genre de clin d'œil qui porte bien son nom. Il est suffisamment rare de trouver des projets ludiques et instructifs à la télévision pour signaler ce programme de qualité.
On pourra d'ailleurs aller flâner sur le site de l'émission, errer d'un mot à l'autre au petit bonheur la chance comme dans un dictionnaire que l'on ouvre au hasard dans les moments d'ennui (afin de se perdre pour mieux se ressourcer).
On pourra également divaguer dans la rubrique langue française de Tv5, s'amuser, s'informer, piocher à droite à gauche... partir et revenir. L'ensemble est de bonne facture et plutôt agréable. Il serait dommage de ne pas s'immerger dans une langue en partage (le français) car rien n'est plus revigorant que de se sentir citoyen du Monde.

-Monsieur-

"Merci professeur!" (le site de l'émission)
de Bernard Cerquiglini (site oulipien assez foutraque mais pas joli. L'OuLiPo est une manière de jouir de l'écriture en se créant des contraintes)
sur Tv5

lundi 21 janvier 2008

L'aliéniste


Au XIXème siècle, des enfants sont retrouvés morts mutilés sur le port de New-York. Immigrés, prostitués, sans papiers (?!), leur sort indiffère les pouvoirs publics.
Classique pourrait-on dire, réaliste. Nous sommes dans un roman policier où il n'y a ni coups de feu ni agitation décérébrée. Caleb Carr nous décrit un New-York à la Dickens relevé de quelques scènes d'une précision à modifier le cours d'une digestion fragile. Il nous plonge dans un univers sombre et sordide passant de la misère glauque des bas quartiers à la veulerie crasse de la haute société.
Dans ce monde cloisonné, il n'y a pas d'échappatoire pour les pauvres. Seul un espoir apparaît: Théodore Roosevelt, nouveau préfet de police charge Laszlo Kreizler, un aliéniste, de mettre un terme à ces atrocités. L'homme doit aller vite pour éviter de nouveaux meurtres. Il n'a pas d'armes. Il raisonne, travaille par déduction, par empathie. Aliéniste, il essaye de comprendre le cheminement du (ou des) tueur(s), de cerner sa (ou leur) personnalité. La traque est haletante.
Kreizler nous entraîne, avec ses acolytes, sur des pistes incertaines. Il tâtonne, partagé entre l'assurance de sa démarche et l'incertitude des résultats. Ses hésitations, ses réflexions le rendent profondément humain d'autant qu'il doit lutter contre les a priori vis-à-vis de ses procédés. En effet, ses méthodes sont novatrices dans l'utilisation des sciences et de la psychanalyse au service d'une enquête. C'est une époque charnière, un monde en mutation. Pourtant, rien ne change fondamentalement: l'être humain est toujours le même au delà des époques et des races, terriblement prévisible.

Pour ceux qui, comme Kreizler, pensent que le parcours d'un homme peut influer sur son œuvre, les biographes de Caleb Carr insistent sur une enfance marquée par un père écrivain et violent (accusé du meurtre d'un homosexuel un peu trop pressant) et par les fréquentations de ce dernier: Burroughs, Kerouac, Ginsberg... Est-ce une excuse pour écrire un roman aussi prenant? Je vous laisse juge.

-Monsieur-

de Caleb Carr
éditions Pocket
1999

vendredi 18 janvier 2008

Pause Lecture

Autour du livre (tentative d'analyse)

Introduction.

Le monde de l'écrit a toujours évolué au fil des époques mais les changements de ces dernières années ont été plus structurels et plus rapides qu'auparavant. Ils ont touché les fondements de cet univers longtemps préservé des dangers d'une économie à outrance et d'une technologie que l'on peut qualifier d'immatérielle.

-Depuis quinze ans environ les maisons d'édition ont été restructurées, vendues, rachetées, regroupées. Le phénomène ne se limite pas à la France. Les conglomérats détiennent et contrôlent désormais une grande partie de la chaîne du livre à travers le Monde (du "producteur au consommateur"). André Schiffrin a fort bien décrit et analysé la situation à travers ses articles et ses livres.
A contrario le nombre de petits éditeurs explose de façon bénéfique.

-Les libraires ont cédé du terrain (contraints et forcés) aux vendeurs en librairie et malgré de nombreuses résistances les librairies de conseil et de proximité ont du mal à se maintenir (Reconnaissons à leur grief que le savoir et l'accueil ne vont pas toujours de pair).

-Les bibliothécaires voient les usages et leur métier changer.

-Les éditeurs sont attentifs à la situation que subissent les industries dites culturelles, observent ce qui se passe par rapport à la musique et au cinéma. Ils se préparent timidement (prudemment) considérant peut-être que les premiers qui se lanceront véritablement dans le numérique payeront les pots cassés. Certains commencent cependant à franchir le pas: il n'est que temps, le grand changement est à nos portes!

-Je n'aborderai pas le problème du prix du livre, de l'accès à la culture ni de la gratuité sur internet (toute relative si l'on tient compte des différentes taxes, du prix de l'énergie, du coût de l'équipement, des abonnements...). Je me bornerai à constater que l'auteur, le créateur (celui qui est à la base du système, celui sans qui rien ne serait) est le seul dans la chaîne du livre (qui pourtant abuse des bas salaires et des stagiaires non rémunérés) à ne pas vivre de son métier, à ne pas tirer une rétribution décente de son travail. Cette situation unique est inique. Avec l'avènement du numérique, il serait temps de se pencher sur le statut de la création en France.

-Malgré les réflexions intéressantes de François Bon et de la Société des Gens de Lettre (entre autres), les auteurs, comme toujours, semblent les grands oubliés de l'histoire. Pourtant, le numérique entraîne des changements de comportement (interaction entre les différents médias, position du lecteur, concentration, rapidité, réactivité de celui-ci...). Cette évolution amènera forcément des remises en cause dans le travail de la pensée, dans l'élaboration du livre, le rapport avec le public. L'œuvre, la place de celle-ci, son statut et celui du créateur se devra d'évoluer.

Je vais donc tenter en quelques chapitres hebdomadaires (consacrés au lecteur, à la librairie, aux Rfid et au livre numérique) de cerner les évolutions qui touchent le monde du livre et de l'écrit.

Je vous invite cependant à consulter les liens dans la rubrique "Autour de l'écrit". Ces quelques sites régulièrement actualisés sont très bien faits, renseignés et réactifs. Ceux sont eux les spécialistes.

-Monsieur-

mercredi 16 janvier 2008

Les Dames du Faubourg

Les Dames du Faubourg sont les abbesses de l'Abbaye de Saint-Antoine-des-Champs située dans l'actuel faubourg Saint-Antoine à Paris.
A la fin du 15ème siècle, les abbesses ont un vrai pouvoir sur le faubourg, constitué de quelques maisons d'artisans et alors isolé de la capitale.
La famille Thirion, sous la protection et la bienveillance des abbesses et éloignée des guildes professionnelles parisiennes et de leur carcan, reçoit un jeune compagnon ébéniste à qui elle offre un travail et un toit.
Les Thirion vont évoluer, de génération en génération, au gré des modes et des commandes de l' Abbaye, puis d'autres clients parfois venus de loin pour obtenir un de leurs meubles.
Réputés, protégés, les ébénistes du faubourg vont voir d'autres artisans s'installer près d'eux. Ils vont former une communauté du bois aux personnages attachants, de bon caractère, que l'on prend plaisir à suivre d'années en années puis de siècles en siècles.
"Les Dames du Faubourg" nous rapproche de ces personnes qui ont peu à peu dessiné le quartier Saint-Antoine, façonné sa spécificité, et vécu à leur manière l'Histoire de France, du 15ème siècle au début du 20ème, dans une formidable saga familiale.

Jean Diwo est natif de ce quartier situé entre les 11ème et 12ème arrondissement de la capitale. Il a vu les ébénistes travailler dans ces innombrables ateliers, aujourd'hui pour la plupart fermés, a senti l'odeur du bois fraîchement coupé, a regardé ces artisans créer des meubles de qualité.
On sent à travers les trois volumes de cette saga tout l'amour qu'il porte à cette communauté et à son histoire.
Journaliste puis romancier, l'auteur a écrit bon nombre de romans historiques, parmi lesquels "La chevauchée du Flamand" aux éditions Fayard.

-Madame-

vol.1: Les Dames du Faubourg
vol.2: Le lit d'acajou
vol.3: Le génie de la Bastille
de Jean Diwo
éditions Folio Gallimard
1987

lundi 14 janvier 2008

Contre histoire de l'art

Pas un mois sans une compilation de blagues douteuses ni une sélection de morceaux choisis, recueil de bons mots et de citations. L'exercice est souvent indigeste. "Contre histoire de l'art" pourrait ressembler à ce genre de livres, situé à mi-chemin entre l'assemblage hétéroclite d'érudition et de brèves de comptoir. Il se distingue pourtant par plusieurs points:
Christophe Girard illustre son propos par des dessins noir et blanc, clairs et précis, très (traits) lisibles. Ses personnages ont de la chair, du caractère; ils sont vivants et dépoussièrent l'Histoire.
L'auteur, professeur à l'école d'art de Nice, prend également parti. Ses prises de position peuvent faire grincer des dents ou déclencher l'approbation mais elles ne laissent pas indifférent. Son regard amusé et parfois subjectif donne envie d'en savoir plus, d'approfondir...
Il peut enfin réconcilier les néophytes, les amateurs et les réfractaires à l'art en général et dans ses particularités.
Son propos présenté sous forme chronologique n'est pas à proprement parler une critique des œuvres qui ont jalonné les siècles ni un discours sur l'évolution des techniques. C'est une façon de raconter les grandes lignes de l'histoire de l'art (et de l'humanité) par une série d'anecdotes invraisemblables (mais vraies) et de clins d'œil croustillants.
Christophe Girard revient sur tout ce qui ne se dit pas, ces petits détails qui nous servent d'aide-mémoire et nous permettent de briller en société, ces petits faits qui changent la face du Monde. Il ne faut donc pas s'attendre à ouvrir un livre "contre l'histoire" de l'art (à moins d'enterrer les thuriféraires de la culture) mais plus un contre-chant à l'histoire de l'art, officielle, austère et ennuyeuse.
Plaisant et bienvenu.

-Monsieur-

de Christophe Girard (l'auteur met parfois des dessins en vente sur e-Bay sous le pseudo Drarig68)
éditions du point d'exclamation
2007

Le Parfum

Attention, chef d'œuvre:
"Le Parfum" est un de ces livres qui fait dire à ses lecteurs, quand on leur en parle: "Ah, le Parfum... un des livres qui m'a le plus marqué!", accompagné d'un petit sourire entendu...
Mais pourquoi? Qu'a-t-il de plus que les autres? Une très belle description de la France au 18ème? Un rythme trépidant?

Le personnage principal, Jean-Baptiste Grenouille est né sous un étal de poisson. Il est doté d'un don incroyable: il a le Nez Absolu. Autant dire que ses premiers instants dans le Paris du 18ème siècle n'ont pas du être des plus agréables...
Les fumets de la capitale sont la toile de fond de sa jeunesse. Adolescent, il va travailler chez un parfumeur qui lui apprendra son métier et qui utilisera largement le don de son apprenti.
Sa vie va basculer un soir de fête nationale, quand il croise le chemin d'une jeune fille au parfum délicat. Cette fragrance le remue profondément, provoque en lui un désir irrépressible. Il la suit, la pourchasse, et pris d'une frénésie incontrôlable l'assassine, en essayant au passage de capter l'effluve de la jeune vierge.
Le souvenir de cet instant, de ce parfum deviendra l'objet de ses recherches, le but de sa vie. Il bascule. Malgré des scènes très crues, on ne lâche plus l'ouvrage; on est prisonnier, sous l'emprise, nous aussi.

Au delà de l'histoire, il y a le "truc en plus": l'auteur, à travers son héros, nous fait partager les odeurs de la rue, de la terre, des mixtures et des corps. Il nous met le nez dedans, vraiment! On s'imprègne, on renifle, on respire, on inhale le "Parfum".
"Chef d'œuvre"!

-Madame-

de Patrick Süskind
éditions Le Livre de Poche
1985

samedi 12 janvier 2008

Pause Lecture

jeudi 10 janvier 2008

Le dernier visiteur de George Sand


"Laissez verdure" dit George Sand avant de décéder. Ces mots prennent tout leur sens à la lecture de ce livre. On est en juin, début juin 1876, dans le Berry. Le soleil inonde le jardin de Nohant à travers le feuillage; il envahit tout, les pièces, les visages, les souvenirs. Il baigne cet album dans une atmosphère joliment désuète. On ressent une certaine torpeur mêlée de quiétude et de sérénité. La fin est proche mais ce n'est pas un drame, on devine, on se laisse bercer. George Sand raconte à un jeune homme ce que furent sa vie, ses amours, ses voyages... on écoute, on apprend et la magie opère: Les auteurs font oublier le côté didactique de l'ouvrage et le lecteur accueille avec plaisir les quelques notes (et la courte biographie) qui le complètent. Une prouesse pour ce genre d'album.

-Monsieur-

scénario de Rodolphe et dessins de Marc-Renier
éditions du Patrimoine, Monum
2006

Je profite de ces quelques lignes pour vous indiquer le site consacré à George Sand (conçu par l'agence C'est nettement mieux). Une autre tonalité mais une même fidélité à l'auteur des "Beaux messieurs de Bois doré". Instructif, chatoyant, musical: un vrai bonheur!

mercredi 9 janvier 2008

Lettre à D.


"Lettre à D." est une lettre d'amour, celle d'un homme pour la femme qui partage sa vie depuis 58 ans.
Cet homme est philosophe et journaliste. Écrivain, "écriveur", il a toujours eu le soutien de son épouse; rapport fusionnel, allant parfois jusqu'à l'abnégation. C'est au crépuscule de leurs vies qu'il décide de lui rendre hommage.
Gorz vivait pour l'écriture, lui a dédié sa vie. Une connaissance de son œuvre (même si elle n'est pas indispensable) peut d'ailleurs éclairer certains passages de cette lettre car André Gorz y parle de son parcours et de lui-même.

Il n'aura pas toujours été honnête dans ses écrits sur l'importance sociale et humaine de sa compagne. Ce déni littéraire était plus fort que lui, involontaire malgré l'Amour et l'admiration qu'il lui vouait. Il le regrette, fait une sorte de mea culpa public.

Touchant, simple, ce témoignage nous fait croiser en filigrane quelques grands penseurs et journalistes du XXème siècle mais il permet surtout à André Gorz de reconnaître (d'avouer) la présence et le rôle primordial que sa femme a joué à ses côtés. Autocritique ou manière de s'excuser auprès d'elle?

André Gorz s'est suicidé en septembre 2007 avec son épouse gravement malade. Par ce geste, une nouvelle fois, ils ont exprimé leur amour, leur attachement indéfectible et l'impossibilité pour eux de vivre l'un sans l'autre. Inséparables comme le sont les oiseaux.

-Madame-

de André Gorz
éditions Galilée
2006

mardi 8 janvier 2008

Tralalah...

Deux jolies petites vidéos sont visibles sur le site de Pierre Clément. Séquence souvenir ou découverte, le plaisir se déguste...
Silenzio et Tralala donne un bel aperçu de l'univers des Souris.

-Madame et Monsieur-

Les Souris (note du 17 décembre 2007)
Tralalaise

Edit : Le site de la Tralalaise est momentanément arrêté.

lundi 7 janvier 2008

Corrida


Que penser de ce livre? Dans sa forme, il serait destiné aux tout jeunes enfants mais par son contenu il s'adresse aux plus grands. Peut-être que j'ai des préjugés mais il est indéniable que les enfants ont des a priori (la faute à qui?) et qu'en grandissant ils regardent avec mépris les ouvrages illustrés: "c'est pour les bébés!" Or, cet album est loin d'être un livre réservé aux "bébés". En tant qu'adulte, je l'ai trouvé superbe: percutant par ses images, ses couleurs, son histoire.
C'est un instantané, un fait divers, cruel comme peuvent l'être les enfants et les Hommes. C'est une histoire de souffrance, de violence: un groupe contre un individu; le drame. Peu de mots, pas une respiration, juste un titre, tout est dit.
Après c'est à l'enfant de parler, à l'adulte d'écouter. Corrida permet d'amorcer un dialogue, une rencontre. "Les livres ont la parole", celui-ci est un livre à partager, difficile, âpre. Il soulage les consciences et libère les cœurs gros.
Certains le conseillent à partir de six ans. Je ne sais pas. De toutes façons, les enfants ont une capacité étonnante à filtrer ce qui ne leur convient pas quitte à le reprendre un peu plus tard...

Yann Fastier est bibliothécaire jeunesse, on peut consulter une petite notice qui lui est consacrée sur le site de Ricochet et une autre sur celui de la Charte. Sur Heeza, nous pouvons voir un sympathique folioscope qu'il a réalisé pour les éditions Flblb.

-Monsieur-

de Yann Fastier
aux éditions de L'atelier du Poisson Soluble (on peut trouver sur leur site les librairies de France métropolitaine qui proposent leurs créations et avoir un aperçu de Corrida)
2006

Louisa


Une histoire de prisonniers.
L'histoire d'une prisonnière.
En 1870, des rebelles algériens sont envoyés dans un camp de travail en Corse.
Une petite fille y voit le jour, libre et heureuse malgré les circonstances, princesse au regard des prisonniers, reine dans le cœur de son père.
Mais un jour, son oncle vient la chercher, l'enlève à son père pour l'emmener au pays, l'éduquer à sa façon... et la marier.
Être privée de liberté, voir sa vie dirigée contre son gré est une situation vécue encore aujourd'hui par bien des gens, bien des femmes à travers le monde. A partir d'un pan méconnu de notre histoire, Leïla Sebbar éclaire de sa sensibilité une situation tragiquement humaine et malheureusement universelle.

C'est aux éditions Bleu autour que vous trouverez cette nouvelle. Maison à la politique éditoriale portée sur l'ailleurs, qu'il soit géographique ou intérieur, son catalogue est riche en pépites littéraires. Allez fouiller du côté de leur site, vous y trouverez certainement d'autres ouvrages à inscrire sur la liste de vos prochaines lectures (nous y reviendrons nous-mêmes très prochainement)!

A voir: le site des éditions Bleu autour: www.bleu-autour.com

-Madame-

de Leïla Sebbar
éditions Bleu Autour
2007
Disponible chez tous les libraires un peu curieux et sur lekti-ecriture.com, spécialiste des petits éditeurs.

samedi 5 janvier 2008

Pause Lecture

vendredi 4 janvier 2008

Celtic Faeries


Pierre Dubois (avec un "s", malheureuse coquille de couverture) nous annonce la couleur dans une préface hommage: il nous transporte! Le spécialiste du petit peuple, dans un texte imagé, cerne habilement Jean-Baptiste Monge. En citant Richard Doyle, Dulac, Arthur Rackham et les Fairy painters, il le situe dans la lignée des dessinateurs imprégnés de préraphaélisme, des grands illustrateurs amoureux de nature et de fantastique. Il n'omet pas de préciser que Monge a du tempérament, défend un style propre à sa personnalité, va puiser en lui-même son inspiration sans jamais copier ses illustres prédécesseurs.
L'invitation de Pierre Dubois se prolonge sur plusieurs pages enluminées de dessins pour nous préparer, nous mettre en condition...
Nous pénétrons alors dans le monde enchanteur des celtic faeries. Sur un papier aux couleurs de parchemin nous passons dans un désordre touffu du Leprechaun à L'arbre à fées et des merriens aux fées noires. Le texte est celui d'un conteur qui mêle la grâce d'une frêle jouvencelle à la crasse d'un vieux grincheux. Il exhale des parfums de whisky dans des tavernes enfumées. Dans un subtil mélange de crayonnés, d'esquisses et de peintures, on entend le crépitement du feu dans la cheminée, on peut goûter l'amertume de la bière sur les lèvres d'une fée (indifféremment homme ou femme). On distingue dans les crevasses d'un frêne ou les graviers d'une rivière le passage d'un attelage ou d'un bonhomme minuscule. On baguenaude, on vagabonde...
Dehors, la campagne a perdu ses couleurs automnales. On est au chaud, on s'endort.

-Monsieur-

de Jean-Baptiste Monge (site assez sobre mais large présentation de son travail)
éditions Au bord du Continent (très bel habillage; joli travail sur le monde féerique)
2007

jeudi 3 janvier 2008

ParisFlip


"Tu m'fais tourner la tête" pourrait-on dire en feuilletant les folioscopes d'Emmanuel Arcache. Un petit air de Paris en un léger tour de main et la magie de l'optique opère. Quelques secondes de musique, "l'atmosphère"... un tourbillon nous entraîne, c'est fini. On recommence; c'est sans fin.
Cette collection sur Paris respire l'Amour, la solitude, la romance éternelle. C'est un joli rendez-vous que nous proposent les éditions Peek a boo-k. Nous espérons de tout cœur qu'il y en ait d'autres prochainement pour prolonger nos balades.

-Monsieur-

collection de plusieurs flip-books
de Emmanuel Arcache
auto-édition Peek a boo-k
2006
disponibles sur le site Heeza ( accompagné d'une présentation intéressante )

mercredi 2 janvier 2008

Bruna Bruno


Ah! Les petites femmes de Paris! Ah Pigalle et ses nuits interminables! Les Folies et ses soirées Esculita! Une institution incontournable dans le milieu transgenre. On ne dit plus drag queen ni folle ni tata. La mode n'est plus au langage vert, les mots sont devenus polis, les images médicales. Pourtant, l'être humain est le même malgré la correction, malgré les interdits, fragile et cruel à la fois.
Julian Salinas ne prend pas de photos glamour. L'humain est au centre de son travail que ce soit sur les sans-abri à Paris ou les vacanciers à la plage. Son regard est à fleur de peau, quasi chirurgical, distant mais juste.
Pour ce projet, il a photographié des travestis, aligné les portraits sur des fonds neutres criants de banalité. On est loin du cliché conçu pour aguicher les touristes. Il n'y a ici ni sexe ni voyeurisme. Le maquillage trop lourd et les vêtements sexy cachent mal la fatigue et les drames endurés, la souffrance rentrée. Ce témoignage visuel est comme un partage, une main tendue vers celui qui regarde. Il retrace bien mieux qu'un long discours la volonté d'exister sous la difficulté d'être, de paraître. C'est une réalité sans fard que nous dévoile Julian Salinas, crue et pudique à la fois. Il ausculte le réel et laisse glisser sur ces peaux marquées par l'usure une troublante sensualité, un sourire, le désir...
Quelques photographies sont visibles sur le site de l'auteur mais Internet n'est pas révélateur de la chaleur ni de l'humanité que dégage le livre: le plaisir tactile atténue l'impression de distance que peut procurer un écran.

Sur le même sujet, le témoignage de Kim Harlow photographié par Bettina Rheims est à conseiller. Ce petit livre d'une grande délicatesse n'élude pas la question du fantasme véhiculé par les travestis ni l'impossibilité réelle de changer de genre...
( Kim, ouvrage à rechercher chez les bouquinistes. )

-Monsieur-

photos de Julian Salinas
textes de Aude Boissaye
aux éd. Christoph Merian Verlag
2006