dimanche 27 janvier 2008

Autour du livre (tentative d'analyse)

Partie I : Quid du lecteur?

Le livre a longtemps été un objet prestigieux. L'écriture, la lecture (et donc le savoir) procurait une aura à ceux qui en maîtrisaient les règles. Qu'en est-il aujourd'hui? Qu'en sera-t-il demain?

Il y a cinquante ans, le lecteur était considéré comme un intellectuel, un faignant ("t'as rien à faire?"), désormais il est regardé comme un asocial ("tu t'ennuies pas tout seul?") ou un privilégié ("je voudrais bien lire mais je n'ai pas le temps, j'ai trop de choses à faire, moi."). Autrefois, on pouvait entendre: "j'aime bien lire mais ça m'endort." car la lecture nécessite l'isolement, le calme (on décompresse, on se relâche; la tension nerveuse peut enfin retomber). Actuellement, certaines réflexions résonnent abruptement: "ça me prend la tête." (la lecture exige en effet un effort, de la concentration, une discipline) ou plus terrible: "ça sert à rien, ce n'est pas ça qui va m'apporter un travail." (?!)
Au quotidien, il ne reste plus grand chose de la littérature (au sens large) si ce n'est des souvenirs d'école. On ne connaît plus que sa version allégée et son versant économique délivrés par les mass-médias. On lit encore la presse, le courrier, les blogs et les forums mais il faut que ça aille vite, que ce soit bref et concis. On ne fait plus la différence entre un livre et une revue ("un bouquin")...

Le constat est bien sombre; j'aimerais exagérer.

Une chose est sûre: la place de l'écrit n'aura jamais été aussi prépondérante. On lit sans s'en rendre compte (blogs, texto, prospectus...) mais prendre un livre, se "poser" n'est pas une priorité (cela l'a-t-il été un jour?). À une époque où l'économie supplante l'intellectuel, l'écrase même, le livre a perdu sa valeur (prestige, respect); la maîtrise du texte n'apporte plus l'évolution sociale espérée.

-Bien sûr, il reste des bibliophiles et -phages qui ont un besoin vital (maladif?) de livres quitte à rogner sur un budget pas toujours extensible. Pour eux, Internet n'est qu'un outil qui facilite les recherches et permet de peaufiner, préciser ses connaissances.

-Il y a aussi les bons et gros lecteurs, de plus en plus infidèles à la librairie de proximité. Ils vont au "moins cher" (soldeurs...), là où se trouve l'information, l'ouvrage. Ils piochent sans vergogne ni souci éthique. Ceux-là commandent de moins en moins au près des libraires, ils veulent de l'immédiateté, de l'universalité. Ils naviguent aisément d'une source à l'autre. Ils ont les moyens intellectuels mais aussi financiers de s'informer, de prendre le temps de lire (mais pas d'attendre). Ils se font plaisir avec un beau livre, une rencontre, un échange...ils diversifient déjà leurs lectures, les supports. Certains feront le choix de ne pas se laisser envahir par leur bibliothèque.

-Il y a aussi ceux qui lisent de temps en temps (que ce soit la presse, un livre ou un article), ceux qui lisent dans les transports ou pendant leurs vacances; ceux qui n'ont pas l'appréhension de la chose écrite mais n'en ont pas l'usage, l'utilité ni le besoin... ceux qui fréquentent les bibliothèques pour être au calme (parfois aussi pour le contenu); ceux qui lisent pour leurs études. Ces lecteurs-là sont des clients de passage, occasionnels, nombreux. Le livre n'est pas pour eux une priorité mais un coup de cœur, une envie ou un passage obligé.

-Dans la dernière catégorie se trouvent les non-lecteurs. Le problème pour eux commence à l'école où ils se sentent largués, exclus. L'écriture, la lecture, la maîtrise du verbe est une gymnastique difficile et laborieuse qui mériterait un accompagnement quasi personnalisé. Cette absence de maîtrise de la lettre est vécu comme un handicap. Elle s'exprime alors par le repli sur soi ou au contraire par une exaltation, un rejet proclamé de la langue écrite, officielle. Les professeurs, les donneurs de leçons, les personnalités qu'on entend sont ceux qui lisent et écrivent; leurs discours sont disqualifiés, ressentis comme du mépris. Le livre devient le symbole de l'establishment.

C'est pourquoi au delà du discours inquiet sur l'avenir du livre, mon interrogation se porte sur la pratique de la lecture. C'est à mon sens le manque de maîtrise de la langue et des outils de recherche, de communication (capacité à appréhender, comprendre, analyser et structurer) qui est le plus à craindre dans les années à venir.

-Monsieur-

Quelques articles sur le même thème:
La vie des idées: Pourquoi brûle-t-on des bibliothèques?
Le bulletin des Bibliothèques de France sur les étudiants en bibliothèque où l'on pourra lire l'article de Guy Hazzan: Les étudiants face à la lecture
et toujours le très pertinent Hubert Guillaud sur la feuille

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