lundi 1 décembre 2008

Qui touche à mon corps je le tue

Trois personnages gravitent autour de l'exécution d'une "faiseuse d'ange". Trois personnes violemment touchées par les conséquences de l'avortement bien avant sa légalisation en France, pour des raisons très différentes.

Lucie L., jeune femme à l'enfance remplie de lumière et de l'amour de sa mère, s'avorte en solitaire, loin de son mari envoyé au STO, pendant la guerre.

Marie G., condamnée à mort pour avortements multiples, et donc assassinats aux yeux de la justice française, vit sa dernière journée et revient sur sa vie, les enchaînements qui en ont fait une "sorcière", avant sa mort. Elle sera l'une des dernières femmes décapitées avant l'abolition de la peine de mort.

Enfin, Henri D., héritier de la charge d'exécuteur des hautes oeuvres, s'apprête à obéir aux ordres de l'Etat et à faire passer sur la planche à bascule le corps bientôt sans vie de Marie G., avec tout le professionalisme et les questions qu'il ne se pose plus sur le rôle que lui donne cette charge.

Une journée douloureuse, vécue avec ces trois êtres condamnés d'avance à subir les conséquences de ce qu'ils étaient, sont et sont devenus, dans un état d'esprit très clair et sans concession, dans la plus grande solitude. La violence des actes est dite sans fioritures, sans appitoiements, toute nue.

Un roman cru, touchant, violent mais sans volonté de faire voir l'horreur. Avoir les cartes en main pour réfléchir, et se demander qui des trois personnages nous pourrions être, avortée, avorteuse ou bourreau, et lequel des trois est le plus à plaindre ou à maudire.
S'il y a lieu.

-Madame-

Qui touche à mon corps je le tue
de Valentine Goby
éd. Gallimard 2008

mercredi 19 novembre 2008

Le roman de la Cité Interdite, t.1: Le Mandat du Ciel

Dans la Chine du 17e siècle, un jeune garçon issu d'une famille très pauvre, Tchouen-yun, se fait prédire un avenir des plus fastueux: la vieille sorcière de son village lui assure qu'un jour "tous les trésors existant sous le ciel se trouverait entre ses mains". Elle prédit également à l'ami de Tchouen-yun, Wen-sieou, fils de nobles du même comté, que lui reviendrait "l'écrasant destin de soutenir l'empereur".
De quoi faire rêver les plus cartésiens...
Certains de leur destinée, les deux amis feront tout ce qui est en leur pouvoir pour aider leur bonne étoile.

A une époque charnière pour la Chine impériale, vieille de quatre mille ans, les deux amis vont prendre des chemins divergents, et éloignés l'un de l'autre vont voir se profiler une ère d'incertitudes et de chaos.

La difficulté de lecture, parfois rencontrée dans certains textes sur la Chine, n'a pas cours ici: Asada Jirô (auteur japonais) nous entraîne dans un ballet d'impressions, de passions et d'évènements historiques.

-Madame-

Le roman de la Cité Interdite,
tome1: Le Mandat du Ciel
de Asada Jirô
éd.Picquier 2008



dimanche 2 novembre 2008

L'ombre des voyageuses

Au 18e siècle, dans les Vosges, une jeune femme à la chevelure flamboyante, la Rouge Bête, est accusée du meurtre de deux hommes.
Elle fuit pour échapper à la vengeance des habitants de son village avec Cauvin, son ami d'enfance, qui prévoit de traverser avec elle l'Atlantique, en direction du Nouveau Monde.

Mais ce voyage ne se déroulera pas vraiment dans les conditions voulue, la Rouge Bête en sera transformée à jamais. Devenue pirate, milicienne en Louisiane, chef de bande redoutable, elle retournera en France et règlera de vieux comptes, avant de repartir à jamais.

Écrit dans la langue de l'époque, ce roman est une histoire incroyable, remarquable, qui me fait penser aux grands romans d'aventure d'Alexandre Dumas. Quel talent M. Pelot, quelles recherches vous avez dû mener, sur la langue comme sur l'Histoire de ces deux continents, la "Vieille Europe" et l'Amérique!
Rien de mieux qu'un tel roman pour rire du snobisme de certains, qui s'amusent à faire passer la drôle de rumeur de la déchéance de la culture française...

-Madame-

L'ombre des voyageuses
de Pierre Pelot
éd. Pocket 2008

vendredi 3 octobre 2008

Sous la surface des roses

Gregory Crewdson est un photographe à l'univers très particulier.
Avant la parution de ce livre en français, je l'ai cherché chez d'autres libraires parisiens, spécialisés en photos et graphisme. Je leur ai demandé s'il existait d'autres titres de cet artiste disponibles en France. Mais ni à La Chambre Claire, ni au Regard Moderne (librairie incroyable, à voir absolument si on veut se rendre compte du sentiment d'Ali Baba quand il a découvert sa caverne... le libraire est une mine de savoir et de gentillesse) Gregory Crewdson n'était représenté. Et d'après ces spécialistes, aucun autre photographe n'a d'univers similaire.
Ses clichés, à la mise en scène cinématographique, sont très colorés, la lumière est travaillée, et pourtant l'abattement des personnages rend sinistre ces prises de vues.

Les détails sont très importants chez Crewdson: chaque photo mérite plusieurs regards. A la première vision, on trouve le sujet souvent sordide, toujours triste. Puis on observe un peu mieux, on découvre que ce qu'on prenait pour de la terre recouvrant un lit et une moquette est en réalité un amas de roses. La tristesse reste, mais l'histoire n'est plus la même.
J'ai fait le test avec une collègue, qui trouvait ces clichés un peu rudes. Elle a fini par me demander ce qui avait bien pu se passer avant la prise de vue. Et après...
En librairie les clients sont curieux, ouvrent le livre et découvrent ces photos. Et les même réflexions tombent...

La préface de Russell Banks éclaire encore un peu plus le lecteur sur le travail de Crewdson, et nous permet de mieux l'appréhender.

La curiosité étant un des meilleurs défauts qui soit, laissez-vous tenter, demandez à votre libraire préféré de vous présenter ce photographe hors norme...

-Madame-

Sous la surface des roses
de Gregory Crewdson
éd. Textuel 2008

mardi 23 septembre 2008

Daphné disparue

Juan est un auteur espagnol "en vue". Le soir de son anniversaire, un accident de voiture lui fait perdre la mémoire.
A son réveil, son premier réflexe est de chercher dans son carnet des indices de son passé. Sa dernière note commence par une petite phrase: "Je suis tombé amoureux d'une inconnue..."
De là tout s'enchaîne. Juan enquête pour savoir qui il est, et de quelle femme il a pu tomber amoureux.
Les hauts personnages du monde des Lettres, des enquêteurs au service des écrivains, des serveurs empressés de restaurants littéraires, des littérateurs du dimanche... un drôle de cirque va envahir la vie de ce pauvre homme, et nous laisse enfin avec un sentiment de paranoïa et de schizophrénie aigüe...

Daphné disparue est une satyre du monde éditorial, soit-disant au service de l'art et des artistes, dans lequel certains grands éditeurs français pourraient sûrement se reconnaître.
Ce monde éditorial mis de côté, Daphné disparue est une lecture plaisante, de détente, qui n'a pas pour vocation que de critiquer un métier, mais de faire passer un agréable moment à son lecteur. Pas LE roman de la rentrée, donc, mais à souligner tout de même...

-Madame-

Daphné disparue
de José Carlos Somoza
éd. Actes Sud 2008

dimanche 14 septembre 2008

Pour Vous

Delphine se grime, se fait passer pour des disparus, remplace provisoirement des proches, va jusqu'à mettre son corps au service des autres, sous couvert de contrats signés dans sa petite entreprise de service.
Mais elle n'a que dédain pour ses clients, car les sentiments de solitude, de manque et d'infini tristesse qui les animent sont pour elle la plus grande des faiblesses de l'Homme...
On lit cette histoire et on se dit que cette femme est barge, mauvaise, que non, ce n'est pas possible, jamais on ne pourrait demander aide et assistance à ce type de personne.

Dominique Mainard sait y faire: l'ambiance indéfinissable de ce roman happe son lecteur, lui donne un curieux goût en bouche, lui fait presque aimer son personnage, pourtant détestable, et lui laisse un souvenir de grand, très grand plaisir de lecture.

J'ai adoré ce roman.
Dominique Mainard m'a offert mon coup de coeur de la rentrée, elle mérite d'être aussi reconnue que les grands noms de la littérature qui hantent les médias en cette fin d'année.
Un conseil? Ne passez pas à côté.

-Madame-

Pour vous
de Dominique Mainard
éd. Joëlle Losfeld 2008

mercredi 27 août 2008

Le Livre des Nuits

J'ai fait une pause dans la lecture des livres à paraître en cette très prochaine rentrée littéraire, pour me délecter de ce roman. Sombre, poétique, fantastique en bien des passages et pourtant ancré dans la réalité, on découvre avec Sylvie Germain de quelle façon les âmes se façonnent, l'influence des êtres humains sur leur entourage.
Il s'agit d'un texte dur, peu de sourires viennent affleurer la surface de cette histoire de famille française, rythmée par les conflits inter-générationnels et mondiaux.

Un jeune garçon, Victor-Flandrin, quitte les eaux calmes des canaux où il a toujours vécu sur le conseil de sa grand-mère, vieille fée bienfaitrice durement touchée par les épreuves qui ont jalonnées sa vie.
Après quelques années passées dans les profondeurs de la terre, après quelques temps d'errance, il arrive un jour au village de Terre-Noire, à la frontière du pays, dans ce coin où la guerre chaque fois s'annonce, et chaque fois se fait cruelle.
La ferme dans laquelle il s'arrime va devenir le nid de sa famille, là où ses enfants, tous jumeaux, vont naître, grandir et apprendre le monde en constante ébullition.
La vie de cet homme, marquée par les guerres de 1870, 14-18 et 39-45, est faite d'amour, de haine, de violence et de pleurs. Et de magie, aussi...

-Madame-

Le Livre des Nuits
de Sylvie Germain
éd. Folio Gallimard 2007
1985

mercredi 6 août 2008

La femme en vert

Dans un quartier en construction aux abords de Reykjavik, des enfants découvrent des ossements.
Le commissaire Erlendur Sveinsson, secondé par ses collègues Elinborg et Sigurdur Oli, enquête sur les causes de la mort de leur propriétaire. Cette recherche va faire remonter à la surface une sordide histoire de famille, vieille de plusieurs dizaines d'années:

Sous la violence de son mari, sous la chape de peur, intense, que celui-ci a abattu sur sa femme et ses enfants, une mère de famille tente de survivre, dans la crainte constante de se faire à nouveau tabasser, insulter.
Indridason fait résonner chaque cri de cette mère au plus profond de nous, chaque baffe nous frappe de plein fouet, chaque regard terrorisé des enfants vers leur mère nous flanque des frissons d'angoisse.
On retrouve ainsi en parallèle l'enquête du commissaire islandais et de son équipe, puis l'histoire de ses hommes et de ses femmes profondément marquées par la solitude et la famille plus que présente.

Arnaldur Indridason se plaît à nous démontrer l'importance de la Grande Histoire sur la petite, et d'un environnement difficile sur l'état d'esprit des Islandais. Au travers de son personnage central, Erlendur, qui subit lui aussi les affres de la paternité et de la vie en couple ratée, on visite une Islande noircie, sombre... et pourtant très attirante.


-Madame-

La Femme en vert
d'Arnaldur Indridason
éd. Points Seuil 2007
2001

La mesure du temps

Mamo et Lamamo, frères jumeaux nés en 1974 dans un village du Nigéria, ont un objectif très clair: devenir célèbres. Quel qu'en soit le moyen!
L'indifférence de leur père et la haine qu'ils entretiennent à son égard sera leur principal moteur.

On atteint la célébrité de bien des manières, eux choisissent de devenir soldats.
Mais Mamo est malade, seul son frère pourra fuir le village et accomplir son rêve.
Condamné à rester au village, Mamo lit et étudie pour combler l'ennui de journées d'inaction. Devenu professeur , il se lance dans l'écriture d'une Histoire de son peuple et décrit son pays: colonisation, christianisation sont des termes récurrents de cette Histoire, les grands personnages qui ont façonné l'économie et la politique du Nigéria sont souvent des blancs imbus de pouvoir, ou des noirs profitant de situations houleuses. Mamo rencontrera les descendants de ces personnages, et tentera de décrypter les documents qu'on voudra bien lui montrer.

Pendant ce temps, Lamamo traverse plusieurs pays d'Afrique en guerre. Les nouvelles qu'il envoie de loin en loin à son frère présente une autre réalité de l'Afrique, terrible, où la violence au quotidien devient presque anodine.

La mesure du temps nous décrit une Afrique quotidienne, politique, moderne , et éloigne définitivement l'image "Banania" que certains pourraient encore imaginer.
C'est un texte prenant, de ceux qui ne laissent pas insensible et se rappellent à nous à chaque évocation de ce continent.


-Madame-

La mesure du temps
de Helon Habila
éd. Actes Sud 2008

jeudi 26 juin 2008

Rituel

Deux mains fraîchement coupées sont retrouvées dans un port.
Avec l'aide de Dundas, son coéquipier, et de Caffery, tout juste débarqué de Londres à Bristol, Flea part à la quête du propriétaire de ces mains.

Des rites chamaniques africains, des enquêteurs au passé lourd, des victimes de la drogue devenues des victimes de malades tortionnaires, tous les ingrédients y sont pour en faire un bon polar, sanglant et inquiétant.

Sauf que Rituel ne m'a pas convaincu.
Une héroïne en deuil qui semble porter le monde, un commissaire violent qui ne pense qu'à la mort et à la rédemption, de petits africains qui parlent couramment le "Ya bon Banania", une froideur générale que je n'arrive pas vraiment à expliquer, et l'utilisation de clefs déjà trop souvent affectées à ce type de roman, font du dernier ouvrage de Mo Hayder un polar peu satisfaisant, à mon goût.

Je reste donc sur ma faim, mi-figue mi-raisin, et pars de ce pas à la recherche d'un prochain texte plus envoûtant...

-Madame-

Rituel
de Mo Hayder
éd. Presses de la Cité
2008

mercredi 28 mai 2008

Ouest

L'écriture hachée de Vallejo pourrait rebuter. J'ai eu un peu de mal, d'abord, à apprécier cette façon d'écrire.
Mais l'histoire est là, derrière, qui vous saisi et ne vous lâche plus:

La famille Lambert, au service du domaine des Perrières, quelque part dans l'Ouest de la France, voit arriver un nouveau maître, l'héritier du château.

Le baron de l'Aubépine. Un homme étrange, brimé toute sa vie par son père, puis par sa femme. Et qui tient sa revanche: la liberté d'action.
Ce qui inquiète un peu les Lambert, d'ailleurs. Car l'homme a de drôles de manies...
Républicain zélé sous l'Empire de Napoléon III, il teste les convictions de son garde-chasse, qui n'en a qu'une: servir le domaine, sans faire d'intrigues.
Ouest est l'histoire de cette famille, sous l'emprise d'un maître difficile à suivre et à cerner, au passé rebelle et au présent trouble.

Roman étonnant, il prend par surprise. On pense lire un récit descriptif, calme et posé comme le Lambert, on découvre des situations inquiétantes, comme ce baron de l'Aubépine.

Roman sombre, déroutant, il a déjà rencontré un très large public, depuis sa nomination au Goncourt 2007. A lire, si ce n'est déjà fait!

-Madame-

Ouest
de François Vallejo
éd. Points Seuil 2008
2007

mardi 13 mai 2008

La ballade de Baby


Baby vit à Montréal avec Jules, son père. Ils vivent dans une situation précaire, passent d'hôtels miteux en deux pièces pourris, n'ont jamais d'argent en poche, mais se portent un amour immense, plus amical que filial.
Jules n'avait que quinze ans à la naissance de Baby. La mère de celle-ci est décédée un an après, Jules doit donc s'occuper de sa fille, mais la maturité ne fait pas partie de ses qualités.
Comment élever une petite fille lorsqu'on est jeune, insouciant (voire inconscient), fragile, malade, drogué et naïf?
Baby évolue donc dans ce milieu misérable où tous les rêves sont permis, où l'avenir a des frontières, et où la démerde est le maître mot pour s'en sortir.
Adulte bien avant l'heure, au milieu d'enfants et d'adolescents aux histoires similaires, Baby est une enfant intelligente qui raconte sa vie sans pathos, avec lucidité, et avec une façon de trouver de l'optimisme là où il n'y en a plus qui allège beaucoup son histoire.
Ce roman m'a marquée. Il fait partie de ces textes qui reviennent régulièrement en mémoire, et qui ne se laissent pas abandonner dans les méandres de l'oubli...

-Madame-
La ballade de Baby
éd. 10/18 2008
2006

lundi 5 mai 2008

Les aventures oubliées du baron de Münchhausen


Le baron de Münchhausen a été fait prisonnier.
Après tant d'aventures extraordinaires, il est vendu comme esclave, quelque part en Orient.
Son nouveau maître, trop heureux d'être tombé sur ce légendaire soldat, lui propose un marché: il devra lui narrer ses histoires et lui faire croire en leur vérité, ou être exécuté le lendemain, dès l'aube.
En une nuit, le baron va décrire des rencontres inédites à peine croyables, des paysages fabuleux, et toujours avec cette foi intact en l'amour, en l'aventure, en son courage et en la vie, sa vie.

L'auteur et illustrateur de cette bande dessinée, Olivier Supiot, nous offre des planches de toute beauté et un scénario qui colle parfaitement à l'oeuvre de Bürger.
Pour ceux qui n'auront ni lu le livre original, ni vu le film, je leur conseil non seulement de découvrir la bd de Supiot, mais de lire le texte de Bürger et de voir le film de Terry Gilliam: il y a là matière à rêver!

-Madame-

Le aventures oubliées du baron de Münchhausen,
Vol. 1: Les orientales
de Olivier Supiot
éd. Vent d'Ouest
2008

lundi 28 avril 2008

Les gens du Raval

Il s'agit d'un catalogue d'exposition photographique. Exposition parisienne, passée, finie, fermée.
Alors pourquoi en parler, deux ans après?
Parce que ces photos me touchent. J'ai rouvert le livre hier soir, et une fois de plus, alors que les conditions réunies à la fondation Henri Cartier-Bresson n'y étaient plus, je me suis prise une claque. Une trempe, diraient certains...
Le Raval, c'est un quartier pauvre de Barcelone, l'équivalent de notre rue Saint-Denis dans les années 80 - 90, fréquenté par des prostituées, des enfants pauvres, des hommes et des femmes errants...
Ces photos en noirs et blancs, prises dans les années 60 par Joan Colom, témoignent de ce passé plein de vie, de misère, d'éclats de rire et de coups de sang.
En publiant certains clichés de la série du Raval en 1964, Colom va provoquer un véritable scandale au sein de l'Espagne franquiste, et se verra intenter un procès par une femme photographiée dans ce quartier. Incrédule, blessé, il décide d'arrêter la photographie, qu'il ne reprendra que dans les années 80, une fois à la retraite.

Le site web des éditions Steidl vous propose de visionner quelques clichés de la série du Raval. Vous trouverez d'autres photos en fouillant dans les moteurs de recherche, mais la qualité n'y est pas, le livre est bien plus intéressant.

-Madame-

Les Gens du Raval
de Joan Colom
éditions Steidl 2006
(cet ouvrage a été réédité sous le titre "Raval", chez le même éditeur)

dimanche 27 avril 2008

pause lecture

Le libraire

mercredi 23 avril 2008

La Trempe

Magyd Cherfi est la figure charismatique de Zebda. L'historique de ce groupe est le reflet d'un parcours dédié à l'écriture, aux valeurs républicaines et à la tolérance. Magyd Cherfi est un homme qui se construit. Il revendique sans haine. Il a des colères, des engagements mais il ne se laisse pas submerger par un quelconque esprit de revanche: il ne construit pas contre, il construit avec. Il parle de la difficulté à exister, à trouver sa place entre le monde familial immigré et la société française, de la difficulté pour un greffon à s'épanouir. C'est le problème universel du regard des autres, du regard vers soi, de la misère et de la "normalité" (la différence). C'est le décalage entre ce que l'on est et ce que l'on voudrait être, un combat intérieur tout autant qu'extérieur.

Dès le premier récit, Magyd Cherfi nous interpelle: il est avec son groupe à la fin d'un concert. L'ambiance est pesante, il y a eu du grabuge...
Dès le premier récit, tout est là: la violence gratuite, absurde et désarmante; le communautarisme qui sans cesse le rattrape, le communautarisme qu'il aimerait tant fuir; les incompréhensions, la communication bancale, biaisée toujours et malgré tout.
Il y a aussi cette façon de manier l'écriture, de malmener les phrases amoureusement. On sent le baiser dans la bouche, la langue qui laisse échapper les mots. On se laisse happer par le tourbillon de la vie.
Et la trempe vient très vite à la lecture du deuxième chapitre: la cruauté des enfants, la dureté; la mère omniprésente, étouffante; les tabous et les interdits culturels; l'apprentissage de la langue; les échecs et les déceptions, le décalage toujours...

Il faut la gentillesse et la lucidité de Magyd Cherfi pour ne pas en pleurer.

Celui-ci nous offre de très belles pages sur l'amour maternel, extrême et encombrant, sur ces femmes qui vivent par procuration à travers la télé, dans l'ambition qu'elles ont pour leurs enfants. Il fait montre d'une grande pudeur par rapport à son père que l'on devine en filigrane, dur, empêtré dans des principes, enfermé dans une rigidité, une rigueur désolante: le silence.
Silence qui annonce l'échec de l'Amour; toujours le décalage, la retenue au sein du couple. La communication impossible, ces chaînes dont Magyd Cherfi n'arrive pas à se défaire: une incapacité à partager ses sentiments avec des mots, avec son corps...

Vient ensuite le dernier texte. En stigmatisant certains ministres par rapport à leurs origines, Magyd Cherfi commet, à mon sens, un faux-pas. Les récit précédents suffisaient à comprendre, à mettre en garde. Je suis triste et amer.
Et oui, Magyd, il existe des français d'origine (nord)-africaine qui sont à droite et c'est déjà du racisme de s'en étonner. C'est oublier le libre-arbitre.
Et je reprends le livre à la lumière du dernier chapitre (je n'y vois plus qu'un discours militant à l'ombre du communautarisme):
C'est faire peu de cas de tous les travailleurs pauvres qui ne sont pas (nord)-africains. C'est ignorer que les métiers les plus ingrats sont réservés aux personnes les plus fragiles, les plus exploitables: nouveaux immigrants, personnes en échec scolaire, en difficulté familiale; que des "réseaux" existent, des communautés se "partagent" (se réservent) certains emplois par une sorte d'entraide malheureuse (miséreuse). C'est oublier que la France ne se limite pas aux grandes villes et que des français de souche occupent les places derrière les camions-bennes et les marteaux-piqueurs. C'est reprendre les discours politico-médiatiques qui voudraient nous faire croire que les français d'origine (nord)-africaine ne sont pas intégrés. S'il y a un racisme de classe, il ignore la couleur et la race. L'argent n'a pas d'odeur, il exclut, il dédaigne, il fait mal.

C'est comprendre au fond, derrière les mots de Magyd Cherfi, qu'un arbre déplacé met du temps à reprendre racine, que l'apprentissage de la langue est la meilleure des armes pour pouvoir se construire et que la politique corrompt tous les discours, même les plus justes, les plus sincères.

-Monsieur-

de Magyd Cherfi (on peut écouter certaines chansons de Zebda et de Magyd Cherfi gratuitement sur Deezer.)
aux éditions Actes Sud
2007

lundi 21 avril 2008

"Les hommes qui n'aimaient pas les femmes", Millénium t.1

Mickael Blomkvist , journaliste économique pour le journal Millénium, vient d'être jugé pour diffamation après avoir publié un long reportage sans avoir vérifié ses sources sur un important industriel suédois.

Condamné, discrédité, il accepte l'invitation d'un autre ténor de l'industrie suédoise, Henrik Vanger.
Celui-ci lui propose une mission déroutante: enquêter sur la disparition de sa nièce Harriet, survenue 40 ans plus tôt, jamais élucidée.

Dans le même temps une jeune femme, Lisbeth Salander, se voit confier par son patron des enquêtes qu'elle mène mieux que quiconque. Difficile à cerner, elle refuse de révéler le moindre détail de sa vie privée.
Un client va lui demander de fouiller dans la vie de Blomkvist...

Larsson a eu le génie d'affubler ses personnages de personnalité courante, mais en les présentant de telle façon qu'elles nous semblent constituer des caractères vraiment particuliers.
La conception du roman, l'histoire et ses personnages auxquels on s'attache très vite font de ces trois romans un de ses best-sellers qui doivent moins à une médiatisation à outrance qu'au vrai plaisir des lecteurs et à un bouche-à-oreille efficace.
Amateur de polars, on suit l'histoire de Stieg Larsson avec intérêt, puis avec passion.
Avec "addiction" même, de l'aveu d'un lecteur de ma connaissance.

Stieg Larsson n'aura jamais connaissance du succès de sa trilogie: il est décédé en 2004, après avoir livré sa trilogie à son éditeur suédois...
Mais attention, rumeur: un quatrième tome de la série Millénium aurait été en partie rédigé par l'auteur, juste avant son décès.
Il semble que la famille de celui-ci (divisée par une sombre histoire d'héritage) ne soit pas d'accord sur la parution de ce nouveau roman, sans le point final apposé par l'auteur lui-même. Les fans devront donc patienter quelque temps avant de savoir s'ils doivent attendre une suite au troisième tome!

-Madame-

Les hommes qui n'aimaient pas les femmes, Millénium vol.1
La fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette, Millénium vol.2
La reine dans le palais des courants d'air
, Millénium vol.3
Stieg Larsson
éd. Actes Sud, collection Actes Noires
2004

samedi 19 avril 2008

Pause Lecture

mercredi 16 avril 2008

Le Montespan

Le marquis de Montespan est le cocu le plus célèbre de l'Histoire de France.
Pour la plupart des hommes de la cour de Louis XIV, se faire pousser les cornes par le monarque divin était à quelque chose près un don de Dieu. Fortune, richesse sous toutes les formes, anoblissement rapide de toute la famille sont les premiers avantages qu'obtiennent les maris "honorés" par le souverain solaire.
Louis-Henri Pardaillan de Montespan n'est pas vraiment de cet avis: partager les beautés et la vaillance nuptiale de son épouse n'est pas pour lui plaire.
Devant l'omnipotence du roi, il tentera un certain nombre de provocations, toutes plus rocambolesques les unes que les autres.
Ainsi les parisiens de l'époque ont vu défiler dans les rues un carrosse peint en noir, surmonté de cornes de cerf aux quatre coins du véhicule.
Les mêmes cornes ont rapidement investi le blason familial, au grand dam du fils du marquis, pour qui la bienséance attendue par le monarque était un devoir pour tous les sujets de sa majesté. Notons que le jeune marquis d'Antin n'avait que trois ans...

Mais qu'en est-il de la radieuse marquise? Celle-ci ne se sent plus de joie, elle vide les caisses de l'Etat aussi sûrement que les attributs du roi (si vous me permettez l'expression).
Le pouvoir et l'or semblent mieux lui convenir que l'heureuse misère du pauvre Louis-Henri, malgré l'amour fou que celui-ci lui voue.

Avec beaucoup d'humour, de poésie et de tendresse pour le courageux cocu, Jean Teulé nous dépeint une histoire bien mieux connue du côté de la sulfureuse (et dangereuse) marquise que de celle de son malheureux époux.

-Madame-

Le Montespan
de Jean Teulé
éditions Julliard
2008

mardi 15 avril 2008

L'un pour l'autre, les écrivains dessinent

Rien n'est plus angoissant que de décloisonner les structures, rien n'est plus réducteur qu'une classification.
Je reprendrai donc la réflexion des différents initiateurs de ce catalogue par rapport au problème qu'ils soulèvent: un écrivain peu-il être dessinateur, peintre ou sculpteur?

À l'origine est le trait, le signe. L'écriture est une expression. La lettre une représentation. L'homme parle à travers le geste. Les premiers graffitis, les premières écritures et la calligraphie, tout est lié. Le dessin est une composante de l'écrit, du rapport à l'autre et au Monde. L'écrivain griffonne, biffe, remplit des pages et des pages de signes. On est déjà dans le dessin.

Mais le propos est autre: on parle de dessin d'Art; c'est une échelle de valeur; doit-on s'intéresser à l'écrivain par le biais du dessin? Le dessin est-il un apport à son travail, à sa réflexion? Un complément à la compréhension de son "œuvre"? S'intéresse-t-on au dessin pour lui-même? Pourquoi l'on s'y attache? La raison est-elle juste? Le regard n'est-il pas biaisé par la notoriété de l'auteur?

Il n'y a pas de réponse satisfaisante... d'ailleurs, pourquoi chercher un intérêt, pourquoi se justifier? Pourquoi ne pas parler de plaisir tout simplement puisque c'est de cela qu'il s'agit: se laisser aller au plaisir.
Cette exposition et ce livre (formidablement illustré) n'ont d'autre objet que de décloisonner, d'ouvrir des horizons, de nous faire découvrir et regarder... retrouver les compagnons de nos lectures passées, nous emmener vers d'autres.
Il y a quelque chose d'apaisant à se nourrir de ces dessins, ces manuscrits... une forme de création à l'état pur qui donne envie de grandir, qui donne envie d'être beau.

-Monsieur-

de Olivier Corpet, Jean-Jacques Lebel, Emmanuelle Lambert, Claire Paulhan, François Letaillieur, Michèle Métail, Jean Le Gac, Sophie Bogaert.
en co-édition avec l'Imec et Buchet-Chastel
dans la collection les Cahiers dessinés (dont on peut saluer la qualité)
2008

Je profite de ce sujet pour renvoyer sur le site de la fondation de la Poste qui émet un billet complémentaire sur le sujet.

lundi 14 avril 2008

Le CRL et "Livre/échange"

( Attention : Mise à jour 2013 en fin d'article )
Au mois de mars j'ai découvert un type de structure que je ne connaissais pas: le Centre Régional des Lettres (CRL).
Il a en charge le soutien des professionnels de la chaîne du livre dans la région où il est implanté. On peut retrouver ces associations sous différentes appellations comme ARL (Agence Régionale du Livre) ou CRL selon les régions. Vous trouverez les coordonnées et les actions de la plupart de ces organisations sur le site de la FILL (Fédération Interrégionale du Livre et de la Lecture).

Ainsi éditeurs, libraires, bibliothécaires, auteurs, mais aussi conteurs, traducteurs et illustrateurs peuvent les contacter et y trouver des indications sur les aides et ressources disponibles en région.
Ces organisations sont aussi un moyen pour les lecteurs de trouver un certain nombre d'informations sur les évènements littéraires de leur région et de dénicher des idées de lecture.
Appui, coordination, guide et soutien sont le fer de lance de ces structures qui multiplient les passerelles vers le grand public.

J'ai donc passé le mois de mars au CRL de Basse-Normandie, à Caen.
J'y ai travaillé auprès de Nathalie Colleville, responsable du service Communication et Information.
C'est, entre autres, à Nathalie que les professionnels annoncent une animation littéraire prévue dans les semaines ou les mois à venir.
On la joint également lorsqu'un livre paraît en Basse-Normandie: après en avoir pris connaissance (avec chaque fois le même plaisir), elle en parlera dans la revue du CRL qu'elle rédige quasiment intégralement, Livre/échange.

Je vous conseille plus que vivement de prendre connaissance de ce trimestriel gratuit, disponible en PDF sur le site du CRL. Vous pouvez bien entendu vous y abonner, quel que soit votre lieu d'habitation.
Vous y trouverez des articles sur les animations littéraires, expositions, festivals, salons en Basse-Normandie, des interviews, portraits, dossiers, agendas, rencontres... En bref, une revue de 16 pages (sans compter les suppléments, une à deux fois par an) à très haute valeur ajoutée, animée d'une très jolie plume.

Bien loin d'être un journal fermé sur la Basse-Normandie, chauvin et passéiste, Livre/échange est une véritable revue d'actualité littéraire avec une ouverture sur ce qui se fait dans le monde, en lien direct ou plus subtil avec la Normandie. Il suffit qu'un écrivain soit de passage dans la région pour que Nathalie lise ses ouvrages, propose de le rencontrer, de l'interviewer et de donner envie à ses lecteurs de (re)découvrir l'auteur.
Si vous avez besoin de la contacter pour la prévenir de la parution prochaine d'un ouvrage ou de l'organisation d'une animation, je vous propose de lui envoyer un courriel, elle vous répondra rapidement!
Il serait vraiment dommage de passer à côté du Livre/échange d'autant que le travail du CRL de Basse-Normandie ne s'arrête pas là.

Une autre de ses actions est l'organisation d'un festival de créations artistiques des pays nordiques, émaillé de spectacles d'art vivant, d'expositions, et surtout de rencontres littéraires, Les Boréales.


Rendez-vous incontournable en France pour les passionnés de culture nordique (rappelons que l'université de Caen regroupe certains des plus éminents spécialistes de Scandinavie), on y trouve pendant une quinzaine de jours une belle invitation au voyage. Les Boréales sont l'occasion idéale d'un dépaysement et d'une ouverture sur le monde.
(J'en profite pour remercier en particulier Guillaume pour son accueil)

Cette année, Les Boréales auront lieu à Caen du 17 au 30 novembre.

Enfin, un service que je crois unique en France, en ce qui concerne les CRL, c'est le service Normannia: il s'agit d'une bibliothèque d'ouvrages numérisés, très anciens ou plus récents sur le patrimoine et l'Histoire de la Normandie.
Avant même de connaître l'existence du CRL, j'ai pu trouver grâce à Normannia des informations sur un ancêtre, pépiniériste de la région de Falaise, qui avait fait le sujet d'un chapitre d'une revue des années 30. Recherche étonnante s'il en est et résultat tout aussi surprenant! La numérisation avance et offre des potentialités de connaissances vraiment enthousiasmantes.

Voici donc une autre façon de vivre la création littéraire et la culture en région. Réjouissant!


-Madame-

Centre Régional des Lettres de Basse-Normandie
10, rue du Château d'eau
14000 Caen
www.crl.basse-normandie.com :site en cour de refonte, la prochaine version devrait être mise en ligne cet été.

Une petite mise à jour s'imposait depuis l'écriture de cet article en 2008.

Le CRL étant une structure vivante, celui-ci continue d'évoluer. Voici quelques nouvelles :
L'équipe du CRL de Basse Normandie a rejoint ses nouveaux locaux ( l'inauguration a lieu le 7 novembre 2013) près du Mémorial de Caen.
Certaines personnes dont on parlait précédemment ont mis leur expérience et leurs compétences au service d'autres structures ; ainsi, Nathalie Colleville a rejoint la communication du théâtre de Caen.
Le festival des Boréales continue vaillamment de nous faire découvrir les littératures Nordiques en s'ouvrant largement à la création artistique. Il débute, cette année 2013, le 15 Novembre, avec pour invités d'honneur, l'Islande et la Lituanie.
L'implication du CRL dans la vie littéraire est d'autant plus importante que la situation des métiers du Livre est délicate pour beaucoup de ses acteurs en ces périodes tourmentées. Nous ne pouvons donc que leur souhaiter : "Bon Vent !"

Leur nouvelle adresse est :
Centre régional des Lettres de Basse-Normandie
UNICITE
Bâtiment E
14 rue Alfred Kastler
CS 75438
14054 Caen Cedex 4

vendredi 11 avril 2008

Pause Lecture

mardi 8 avril 2008

Jules Barbey d'Aurevilly

Le bicentenaire de la naissance de Jules Barbey d'Aurevilly est l'occasion pour bien des éditeurs de revenir sur cette figure littéraire du XIXème siècle. Trop souvent occultée par l'image caricaturale du personnage-écrivain, l'œuvre mérite le détour à plus d'un titre. Trois ouvrages récemment sortis dépoussièrent l'univers de Barbey. Chaque auteur tente à sa façon de nous ouvrir les portes d'une écriture racée libérée du carcan émotionnel et partisan dans lequel l'ont confinée de nombreux analystes.

Le premier d'entre-eux, Une Nature Ardente de Dominique Bussillet, est " enluminé " par les dessins de Gilbert Bazard. L'ouvrage est un petit bijou de raffinement: la pureté des reproductions, la qualité du texte...
Il n'est que le choix du papier, sa couleur, son épaisseur pour se sentir happer par la force éclatante d'une œuvre que Dominique Bussillet nous raconte intensément. Son essai est d'une beauté d'écriture, d'un classicisme devenu rare. Les mots se nouent avec les citations, s'entremêlent, les gravures prolongent le texte plus qu'elles ne l'accompagnent... comme le lierre sur la pierre, la lumière est indissociable des herbes agitées par le vent. Barbey est organique. Dominique Bussillet nous révèle avec grâce une histoire d'Amour et de tourments; ce livre est un partage.

Une Nature Ardente
de Dominique Bussillet et de Gilbert Bazard
aux éditions Cahiers du Temps
Nathalie Colleville nous propose un entretien avec Dominique Bussiller dans le Livre-échange n°41 consultable en pdf . N'hésitez pas à vous abonner, c'est gratuit et bien écrit.


Dans un autre registre, Pierre Leberruyer nous propose une réédition enrichie et renouvelée d'un livre publié en 2002 par les éditions Manche-tourisme. Il nous prend par la main pour une promenade avec Barbey d'Aurevilly.
Pierre Leberruyer classe, explique, situe, raconte; il se fait guide, un formidable guide, érudit, fort plaisant. Son livre est émaillé de citations et de notes, de références historiques et littéraires. C'est un cadeau pour les amoureux d'un Cotentin que l'on traverse pas à pas... le cheminement d'un homme et de son œuvre.

Paysages envoûtants et demeures romantiques au pays et dans l'œuvre de Jules Barbey d'Aurevilly
de Pierre Leberruyer (textes et nombreuses photographies)
aux éditions Orep


Durant plusieurs années Michel Pinel s'est plongé dans le fonds du Musée de Saint-Sauveur-le-Vicomte. Passionné, il nous dévoile avec satisfaction un grand nombre de ses découvertes.
Barbey Le Scandaleux est la somme de ces documents très souvent méconnus. En parcourant ce livre, on a l'impression d'entrer chez un ami qui étale sur la table les trésors dénichés. Michel Pinel est enthousiaste, ce qui ne nuit en rien à la rigueur de l'ouvrage. Nous apprenons Barbey, son œuvre, ses amours, ses amitiés et ses inimitiés; ses éditions et ses illustrateurs nous sont tour à tour présentés, le souvenir est prolongé. Avec cet album foisonnant, parfois proche du pêle-mêle, Michel Pinel nous offre une étude accessible et riche en images de ce grand écrivain.

(une étourderie s'est glissée page 235, conformément à ce qui est écrit page 226 Hermann Quéru est décédé en 1978 et non en 1979)

Barbey d'Aurevilly le Scandaleux
de Michel Pinel
aux éditions Eurocibles
tél:02.33.55.00.00

Signalons que Thierry Leprévost a rédigé deux articles illustrés de photos sur les traces de Barbey d'Aurevilly dans le numéro 64 de Patrimoine Normand (Barbey en Cotentin) et dans le numéro 65 de la même revue (Barbey à Caen). Trimestriel disponible aux éditions Heimdal.

Une nouvelle revue d'actualité culturelle, indépendante et gratuite, consacre, elle-aussi, quelques pages à Barbey d'Aurevilly avec de très belles photos de Guillaume Jouet (Manche Territoire d'expression).

J'ai dû en oublier... ce sera pour une prochaine fois.

-Monsieur-

lundi 7 avril 2008

Une ombre sur le Roi - Soleil

Sous le règne de Louis XIV, l'affaire des Poisons fit scandale.
Pourtant, le "Tout-Paris" ignorait le versant le plus noir de l'affaire qui n'était connu que de très peu de personnes: Louvois, Secrétaire d'Etat à la Guerre et Surintendant des Postes, La Reynie, premier Lieutenant de Police en titre (charge créée par Colbert), ainsi que Louis XIV lui-même.
Car, sous l'affaire des Poisons qui fit trembler les honnêtes maris et les amants mal-aimés, se cachaient de sordides affaires de messes noires, de sacrifices d'enfants, de devineresses qui se faisaient sorcières et de curés qui se faisaient démons.
Le Roi-Soleil voulait la grandeur de la France et la propreté de son règne. Il décida la création d'une Chambre ardente, cour judiciaire exceptionnelle, et ordonna la Question pour toutes les personnes mises en cause dans ces affaires de crimes.
Toutes? Non. Car des proches du roi étaient directement concernés. Des proches qu'il aurait été très malséant de voir condamnés publiquement au vu de l'estime que leur avait accordée le monarque divin.
Les soupçons les plus importants se portèrent sans conteste sur la Montespan, maîtresse officielle de Louis XIV et mère de sept de ses enfants.
Justice et secret d'Etat allaient-ils cohabiter?

Chaque page de cet essai aux allures de roman nous plonge dans l'effroi et l'horreur qu'ont ressenti les enquêteurs en évoluant dans les sombres recoins de Paris, où les pratiques les plus abjectes se déroulaient.
Ces agissements impliquaient toutes les classes sociales: tiers-état, clergé et noblesse étaient (in)dignement représentés dans ces funestes lieux.

Si l'on peut avoir du mal avec l'écriture de Claude Quétel, la richesse de la documentation et la construction de ce texte permettent de découvrir une de ces Grandes Affaires qui ont fait trembler le trône de France....

-Madame-

Une ombre sur le Roi-Soleil
de Claude Quétel
éditions Larousse
collection L'Histoire comme un roman

Le Fou

Raffi (alias Hakob Mélik Hakobian) est un auteur arménien du 19e siècle.
Témoin des tourments vécus par son peuple, il s'en est fait le porte-parole, au travers de romans épiques largement lus et appréciés dans son pays.

Le Fou retrace la vie d'Arméniens chrétiens dans un petit village d'Anatolie, situé dans l'ancienne Arménie turque.
A cette époque, la pression des Turcs musulmans sur le peuple des chrétiens arméniens se fait de plus en plus forte, et annonce leur massacre par les Turcs et les Kurdes, durant la guerre de 1877-1878.
Vartan, jeune marchand ambulant, se rend au village d'O, où le maire l'accueille chez lui.
Ce jeune homme va faire venir chez le vieux Khatcho un étrange philosophe, M. Doudoukdjian, qui tente par tous les moyens de faire accepter des idées modernes aux villageois: il aimerait voir ces paysans pacifiques et soumis se révolter, prendre les armes et donner enfin de l'instruction à leurs enfants, filles et garçons.
Ces idées ne sont pas du goût de tous, et vont provoquer les foudres des autorités de cette partie de l'Anatolie.

C'est dans ce contexte que se noue une histoire d'amour dramatique:
Une jeune fille, Lala, fait tourner la tête d'hommes mûrs et inquiétants: le Fatha bey, chef des brigands kurdes de la région, et Thomas effendi, dignitaire arménien au service des Turcs ottomans.
Vartan, amoureux lui aussi de la belle Lala, rêve de l'emmener loin des dangers que font peser sur elle ces hommes de pouvoir.

Certains décrivent Raffi comme étant le "Dumas arménien". Personnellement je le rapprocherai plus de Paul Féval avec son roman "Le Bossu", par sa manière un peu emphatique de décrire ses personnages : ici chacun est soit bon, soit mauvais, pas de demi-mesure, ce qui m'a un peu refroidi au début.

Très vite toutefois, la valeur historique de ce roman m'a tenu en haleine. Les personnages sont attachants, j'ai pris de plus en plus de plaisir à suivre leurs aventures et à découvrir une culture et une Histoire que je ne connaissais que très superficiellement.

Il faut noter au passage le très bon travail des éditions Bleu Autour ( dont j'ai déjà parlé lors de ma critique de la nouvelle de Leïla Sebbar, Louisa), leur recherche de textes de qualité à travers le monde est remarquable.
A surveiller de près, donc!

-Madame-

"Le Fou"
Raffi (Hakob Mélik Hakobian)
éditions Bleu Autour 2007
collection "D'un lieu l'autre"
1880

vendredi 4 avril 2008

Pause Lecture

Notre rentrée se fait doucement mais sûrement...

mardi 1 avril 2008

Chagrin d'école

" Chagrin d'école " a trouvé ses lecteurs, il en séduira d'autres.
Amateur du Pennac-romancier, je pensais, en ouvrant ce livre, passer un bon moment. Cet homme a une faconde plaisante, la bonne humeur communicative, le regard franc et le sourire facile; malheureusement...

Pennac parle de lui-même. C'est un fait. On le voit grandir, être cancre à l'école, en famille, dans le regard des autres; être cancre jusqu'au déclic inattendu: un enseignant qui l'encourage, lui fait confiance, lui donne confiance.
Les chapitres se suivent: Pennac cancre, Pennac enseignant-modèle (où sont les lauriers?), retour au cancre et aux cancres. Il édulcore mais pourquoi pas. La réalité est parfois invraisemblable et les miracles existent. On ne demande qu'à le croire, qu'à le suivre. Son optimisme fait du bien.
Mais il y a un " mais ". Imperceptiblement, le ton devient sentencieux et moralisateur. Redondant, Pennac alourdit son propos. Je tourne les pages mollement. Daniel Pennac m'ennuie.
Son essai se prolonge avec un plaidoyer pour les jeunes de banlieue, forcément blacks ou beurs, forcément cancres. Sans s'étendre sur leurs travers, il les défend en les montrant du doigt: ils sont notre futur, les génies incompris. Il reprend l'imagerie des quartiers, déborde de naïveté et d'idées reçues. Il les connaît: il enseigne (ou plutôt il a enseigné). Il tient la vérité et n'oublie pas de se jeter des fleurs au passage. C'est de bonne guerre mais ça peut agacer. Pennac tient sa revanche, le cancre fait la leçon. Le prof est sympathique. Sa vision simpliste et schématique dégouline de bons sentiments. Pennac passe de pédagogue à démagogue.
Je décroche. Trop, c'est trop. Je n'ai pas eu de " passeur " à l'école! Je ne sais pas de quoi il parle! Je feuillette les dernières pages. Je survole. Il pousse son raisonnement, progresse, devient intéressant mais je n'ai plus l'envie. Je n'ai plus l'étincelle. Il ne me reste qu'à attendre d'éventuelles retrouvailles, un livre dans quelque temps qui pourra me consoler de ce " chagrin d'école ".

J'aurais aimé que Pennac ait une parole pour les cancres isolés, ceux qui ne sont pas chefs de bande. Ceux qui s'acharnent et qui travaillent, ceux qui peinent et ne trichent pas. Obstinés, laborieux et moqués de toutes parts, ils sont là, ils existent, ils se murent: ce sont eux les exclus, ceux que personne ne veut entendre, les " débiles " qu'il vaut mieux oublier.
J'aimerais aussi comprendre pourquoi certains élèves décrochent. Pourquoi certains dévissent arrivés en sixième ou en classe de seconde? On ne naîtrait pas cancre?
Je terminerai sur un souvenir:
il y a 25 ans; les temps changent, mais il y a 25 ans les classes de rattrapage étaient des classes délaissées où s'entassaient dans un état proche de l'abandon les élèves à et en difficultés.
Il faut croire que tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir M. Pennac en cours.

-Monsieur-

de Daniel Pennac
aux éditions Gallimard
2007

vendredi 14 mars 2008

Pause toujours

Nous continuons nos lectures et nos découvertes jusqu'au 30 mars 2008 afin de mieux vous les faire partager. À bientôt.

-Madame et Monsieur-

samedi 8 mars 2008

vendredi 7 mars 2008

Nona

Comment aborder ce recueil de nouvelles?

-En marchant! En marchant du bout des pieds. Avec délicatesse. Avec rythme et maintien. L'esprit léger, le nez en l'air. Attention! L'auteur nous prend la main... il nous donne son accord... on embarque avec lui tout en restant à terre.
Cet oiseau-là est un drôle de poète.

Jean-Luc Coudray s'attache au quotidien. Ses chroniques sont claires; tout ce qu'il y a de plus banales et ordinaires. Et pourtant... ancrés dans le quotidien ses textes courts s'en éloignent de manière poétique, assez inattendue.

Jean-Luc Coudray affectionne la logique de l'absurde, le sourire à côté de la figure. Il pose un regard détaché sur les scènes qu'il décrit. Il sait que c'est du théâtre ou du rêve. Rien de grave en tout cas. Ses personnages sont des acteurs; ils jouent... mais pour de vrai! Ce sont des enfants dans une cour de récré et un enfant ne fait pas semblant.
" Même pas cap'! Même pas mal!"
"Pan! T'es mort. "

Fin de l'histoire. Il n'y a plus de jeu.

On passe à autre chose. Il faut serrer les rangs, reprendre le cours normal des heures qui passent et qui s'allongent. Jean-Luc Coudray s'en moque, il s'amuse. Il s'évade, sorte de chroniqueur lunaire. Il est présent mais en absence, ou plutôt en double de lui-même.

Certains s'écoutent parler, lui se (nous) regarde vivre avec un flegme et une sérénité inébranlable. Ses nouvelles sont légères comme le regard rêveur de celui qui s'arrête en pleine course pour regarder les autres.
Le monde autour de lui prend forme; les décors, les objets, la nature, le sensible, l'invisible s'humanisent. C'est comme un sentiment d'Amour mêlé d'adrénaline.
Jean-Luc Coudray s'amuse. Il nous balade, nous prend la main, on s'envole avec lui, on reste au ras du sol, on flotte à quelques centimètres, on plane au fond de nos chaussures. Ce sentiment léger est tellement agréable: ce n'est pas de l'ivresse, c'est un style.
Ce point de vue décalé dans la bascule des mots, ce maniement exquis, c'est une respiration.

-Monsieur-

de Jean-Luc Coudray (Le site est très complet mais peu fantaisiste en comparaison des livres de l'auteur.)
aux éditions de L'Amourier (un extrait du livre est disponible sur leur site)
1997

jeudi 6 mars 2008

Animalia

Il est mal vu de dessiner comme un enfant et pourtant, le vrai dessin d'enfant connaît ses amateurs attendris et passionnés. Il a ses défenseurs et ses collectionneurs.
Doit-on parler d'aveuglement?

Nombreux sont les enseignants qui conservent les dessins de leurs petits élèves guidés par l'enthousiasme de leurs premières années professionnelles, par sentimentalisme aussi. Et que dire des parents persuadés du génie de leur progéniture?
Sans être objet de dévotion, le dessin d'enfant est partout. Il s'égare entre les pages d'un livre, il se perd entre deux boîtes d'archives. Il se découvre quand on ne l'attend plus, réapparaît derrière un meuble ou au fond d'une armoire. Il ne se jette qu'avec regret et ne laisse pas indifférent. Il génère l'émotion.

Picasso racontait: " une chose curieuse, c'est que je n'ai jamais fait de dessins d'enfants. Jamais. " et il ajoutait: " il m'a fallu toute une vie pour dessiner comme eux. " Il était fasciné.

Car un dessin d'enfant est un mélange touchant de ratage et d'application, de faiblesse et de force. Il n'y a pas de calculs, pas de cadres; l'imagination est sans borne.
À la base du dessin d'enfant, il y a l'échange, le langage et le lien. La maladresse des débuts cache la volonté, l'acharnement à retranscrire. L'émotion pousse la main. Le cœur et la raison s'animent. On reçoit et on donne. L'enfant s'applique, insiste, il s'invente des chemins, persévère et progresse. Son expression a le trait pour génie. Il suffit pour s'en convaincre de contempler la pureté de ce dessin:




Il n'y a pas de superflu.

-Monsieur-

de Frederico (4 ans)
conception graphique: André Lemos
couverture sérigraphiée par Mike goes West
aux éditions Opuntia books
juin 2006 (imprimé à 75 exemplaires.)

mardi 4 mars 2008

100 ans d'illustration de mode

"100 ans d'illustration de mode "!
Environ 400 illustrations pleine page accompagnées d'un texte sûr et concis!
Voilà un luxe dont il serait dommage de se priver.

Cally Blackman nous livre un cours magistral par son ampleur et sa justesse. Bien sûr, il y a des lacunes mais le sujet est vaste et la sélection nécessaire, forcément drastique. L'auteur le reconnaît.
Son ambition n'est pas d'être exhaustive. Elle survole un siècle, le XXème, à travers le prisme de " l'illustration de mode ". Il ne s'agit pas à proprement parler d'une histoire de la mode (la " mode " étant à comprendre au sens large, de façon générique). Ce n'est pas non plus un florilège. Il n'y a pas de parure inutile, pas de vétille. Il n'y a pas de chef-d'œuvre non plus. Chaque illustration, comme autant d'ornement, est soulignée d'un commentaire. Tout est juste, harmonieux, comme le chapeau qui équilibre les silhouettes.

100 ans. Un siècle, une époque. Quatre générations et autant de chapitres qui défilent sous nos yeux. 100 ans, c'est le reflet d'une société, de sa mentalité. C'est son évolution.
Sans nostalgie, Cally Blackmann a dégagé les grandes tendances des décennies passées. Avec à-propos et légèreté, elle a su éviter l'austérité de la leçon sans tomber dans l'artifice. Du bel ouvrage.

-Monsieur-

de Cally Blackmann
aux éditions Eyrolles
2007

samedi 1 mars 2008

Pause Lecture

jeudi 28 février 2008

Papiers Nickelés n°15

La lecture des Papiers Nickelés s'accompagne toujours d'un lot de découvertes.

Ainsi nous visitons le monde et le grand! Du Québec avec Albéric Bourgeois (le premier bédéiste du cru) à l'Argentine avec Ruben Sosa (récemment décédé). Nous traversons l'histoire: avec les ennuis judiciaires de Daumier au XIXème siècle et un article émouvant sur Poulbot paru en 1943 dans le " Dimanche illustré".

Nous dévorons ensuite le sujet consacré aux imprimeurs d'étiquettes.
Pour les amateurs de fromages et de belles images à qui Daniel Bordet (l'auteur du texte) aura mis l'eau à la bouche, un détour sur le site Le tyrosémiophile.com s'impose. À la fois passionnant et très complet.

Profitons également d'un entrefilet sur les suites de la désastreuse
" affaire " de l'Imprimerie Nationale pour nous rendre sur graphê (association pour la promotion de l'art typographique). Le parcours photographique proposé est un bel hommage rendu aux ouvriers du Livre.

Pour clore ce compte-rendu un peu sommaire, j'ajouterai que cette petite revue (24 pages) très dense est joyeusement illustrée; le ton y est aussi vif que le fonds est précis.
Pour les libraires qui voudraient se procurer les numéros, la diffusion se fait par Makassar. Pour les abonnements et les particuliers, je vous renvoie à notre article précédent.

-Monsieur-

aux éditions C.I.P.
2007

mercredi 27 février 2008

Ma circoncision

" Ma circoncision " est un livre autobiographique: une sorte de souvenirs troublants d'un " Petit Nicolas " de Syrie. L'auteur y témoigne du traumatisme de cette opération entourée d'intrigues et d'équivoques, de douleurs et de peur. Riad Sattouf évoque avec finesse ce sujet délicat et (ô combien) sensible. Comme à son habitude, il dénonce l'ignorance et les idées reçues, mères de toutes les bêtises.

Son album conserve cependant la fraîcheur de l'enfance car si le regard est direct, sans détour, un humour empreint de fausse naïveté atténue la violence du vécu.

Cette franchise dans la description du quotidien fut pourtant mal interprétée par certains groupuscules, d'où des procès lamentables lors de la première édition au prétexte de racisme et de protection de la jeunesse.

Ces réactions extrêmes et disproportionnées soulignent la difficulté d'aborder certains thèmes et nous interpellent sur les tabous autour de la circoncision (emprise du groupe; tradition; religion; sexualité; acceptation de la différence; respect de l'intégrité des mineurs...). On est en droit de s'interroger sur cette mutilation physique qui n'a rien de médicale et de se demander si cette pratique ne devrait pas être limitée à des adultes responsables et consentants.

-Monsieur-

de Riad Sattouf
aux éditions Bréal Jeunesse
paru en 2004-épuisé
réédition à l'Association
2008

Je conseille par ailleurs la lecture du livre: " Circoncision. Le complot du silence " de Sami Aldeed Abu-Sahlieh paru aux éditions de l'Harmattan. L'auteur y explique clairement son hostilité à la circoncision.

Le site Droit au Corps apporte des informations sur le prépuce et son utilité. Actualisé en permanence, on y apprend  que le Conseil de l'Europe a adopté, mardi premier octobre 2013, une résolution contre les violations de l'intégrité physique de l'enfant (tatouage, excision, circoncision...). Malgré une grande modération au sujet de la circoncision, cette décision a provoqué une levée de boucliers chez de nombreux religieux.

Alors, si vous préférez vous délasser, vous pouvez visiter un site où les nus sont représentés sans aucune discrimination et dans le respect du corps de chacun : Pour un dessin et quelques courbes.

mardi 26 février 2008

Carnaval


" Carnaval couleurs et mouvements " est une invitation au voyage. Des formes endiablées nous élèvent avec elles, des gerbes de couleurs font rayonner les pages, nos pupilles se dilatent. Mattotti est grandiose. Son art est flamboyant. Ses dessins continuent de danser sous les paupières fermées.

Mais cette cavalcade est soigneusement régie, ponctuée de courts chapitres eux-mêmes rythmés en trois parties: un texte, des croquis, des " tableaux ". La cadence est rapide. Un texte, des croquis... nous voilà entraînés.

Les auteurs sont nombreux. Ils vivent le carnaval, en exposent les grandes lignes, transposent leur enthousiasme. Ils transmettent leur passion brièvement; des notions, quelques phrases. Suivent alors les croquis de Lorenzo Mattotti. Chaleureux noir et blanc très vite emporté par des scènes colorées et somptueuses.

L'ensemble est emballant mais une chose me chagrine.

Car dans ce foisonnement, une petite note de déplaisir est venue me distraire: l'austérité d'un bandeau gris qui traverse certaines pages s'est dressée devant moi. Austérité qui ne sied guère à l'exubérance d'un carnaval. Cette fantaisie obscure casse le trait, la souplesse du dessin. Elle rompt les équilibres, l'harmonie des croquis en soulignant maladroitement certaines parties de ceux-ci. Quel dommage! Aussi dommage que la transparence du papier qui laisse percevoir sous un verso blanc le recto de la page.

" Allons, Monsieur, ne soyez pas rigide. " me glisse une petite voix. Alors soit, profitons de la fête!

-Monsieur-

de Lorenzo Mattotti
aux éditions Casterman
2007

lundi 25 février 2008

Pot pourri


La poésie de Costes est scandée, hurlée, vomie dans des orgies terribles. C'est une libération, un rite du fond des âges, le chant d'une religion ancienne.
Costes est venu au Monde. Il a ouvert les yeux. Costes est organique. L'Homme est organique. Demandez aux sages-femmes: l'accouchement est " humeurs ". Costes se débat, nu, dans le sang, le sperme et les excréments. Il a peur. La société l'agresse, le révulse par ses tabous, ses silences, son hypocrisie et ses lois. Costes est nu: il crie, il hurle, il griffe. Il est " Homme-animal "; nié, méprisé, violenté. Il ne demande qu'à vivre... et c'est un chant d'amour et de désespoir qu'il abandonne aux courants du bitume.

Costes ne joue pas, il ne ment pas. Sa volonté obsessionnelle est mal comprise, son jusqu'au boutisme effraye. Ne le jugez pas: il blasphème, il étouffe! Il est empêtré dans le carcan de la morale. Il ne peut en sortir, nos valeurs ne lui correspondent pas. Il est Autre, étranger, à l'étroit dans ce Monde.
Ne vous détournez pas, débarrassez-vous de vos oripeaux et laissez-vous malmener (bercer) par son chant. Lisez ses paroles à voix haute, laissez-vous pénétrer. Plongez dans les dessins de Anne Van Der Linden magnifiques et obscènes. Nulle autre qu'elle ne pouvait témoigner de la beauté crue de cet univers tourmenté et violent.


Par le choix des textes et leur ordonnancement, par le CD inclus, les éditions du Dernier Cri nous proposent une approche sensible de l'œuvre dramatique de Jean-Louis Costes.

-Monsieur-

Textes et CD de Jean-Louis Costes (un entretien vidéo sur Daily motion témoigne de la fragilité du personnage. Touchant)
Dessins de Anne Van Der Linden (le dessin accompagne le texte, le contraire est aussi vrai)
aux éditions du Dernier Cri
imprimé en offset et sérigraphie en novembre 2007 à 500 exemplaires.
Disponible en librairie ou sur le site eretic-art.

vendredi 22 février 2008

Pause Lecture

mardi 19 février 2008

Ubuweb

Prolongeons un peu la " Pause lecture " et paressons un peu...
le site Ubuweb étant un peu touffu (effrayant par son offre), nous allons vous indiquer quelques petits trésors que nous y avons découverts.

-Le terme " buffering " peut parfois apparaître, cela veut dire que l'élément que vous voulez regarder ou entendre se met en mémoire tampon, se charge; il n'y a pas pas d'inquiétude à avoir.

Pour ceux qui ont découvert le " Voyage au bout de la nuit " de Céline grâce au spectacle de Fabrice Luchini, l'interprétation de Michel Simon est d'une grande sobriété. Plus posée, différente, son approche est tout aussi grandiose et indémodable.
Le reportage de Jean-Marie Drot sur Giacometti se déguste avec plaisir: c'est la télé de papa dans toute sa saveur à une époque où l'on prenait le temps.
Il ne faut pas rater non plus le surprenant " Entr'acte " de René Clair tourné en 1924 avec la participation de Man Ray, Erik Satie, Marcel Duchamp... pour en savoir un peu plus sur ce film qui fît scandale à sa sortie, il y a un court article sur wikipedia.
Un autre film incontournable Le chien andalou de Luis Bunuel et Salvador Dali. Premier grand film surréaliste (1929).
Le chant d'Amour de Jean Genet est visible sur Ubuweb. Sublime et unique. Toute la sensualité de son œuvre, de ses passions amoureuses et érotiques sont réunies dans ce film.
Dans un autre registre l'étonnant Island Song de Charlemagne Palestine que j'affectionne particulièrement.
Mais on pourra préférer entendre Apollinaire réciter des poèmes (Sous le pont Mirabeau), Alain Robe-Grillet lire un passage de Jalousie ou encore écouter une interview de Louis Aragon.
Bref, Ubuweb est un délicieux fourre-tout où il fait bon flâner.

-Monsieur-

vendredi 15 février 2008

Pause Lecture

mercredi 13 février 2008

La Voleuse du Père-Fauteuil (édition intégrale)

Ariane Liftier a tout de la jeune et jolie jouvencelle: rêveuse, elle est amoureuse d'un énigmatique cambrioleur qui fait la une des journaux. Elle contourne la rigueur parentale et part à la recherche de renseignements sur ce Fantomas des temps modernes. Très vite elle se retrouve à pourchasser l'élu de son coeur lors de ses cambrioles et à cambrioler elle-même dans un déguisement que n'aurait pas renié la belle Catwoman.

La vie impose des choix: tandis que "l'homme mystère" ne vole que les modernistes, notre "Voleuse du Père-Fauteuil" détrousse les passéistes.

Car tout est politique: chaque tête de chapitre s'ouvre sur la une d'un quotidien facilement reconnaissable soit passéiste soit moderniste. Mais au delà des clivages, l'innocente voleuse découvre une réalité beaucoup moins rigide qu'il n'y paraît: l'hypocrisie et la lâcheté règnent en maitre au royaume des apparences.

La différence est au cœur de cette histoire (une journaliste homosexuelle, un cambrioleur d'un genre un peu particulier accroc à des substances chimiques secrètes, des brigands au coeur tendre, des chefs de mouvement politique complètement tordus, violents et inquiétants, une jeune fille pure qui se transforme en vamp...) et les particularités, la face cachée de tous ces personnages donnent du volume à un scénario déjà très riche en évènements.

On ne s'ennuie pas en ces pages, ça vire, virevolte, vole en tout sens, j'en raffole et vous le conseille!

-Madame-

de Eric Omond (scénario), Yoann (dessin) et Hubert (couleur)
éditions Dargaud, collection Poisson Pilote
2007

mardi 12 février 2008

La véritable histoire de Futuropolis 1972 - 1994


C'est l'histoire d'une époque, une ambiance, un passé révolu. La reprise à Paris d'une librairie spécialisée dans la bande dessinée, au 130 rue du théâtre.
Et quel théâtre! On y voit défiler une galerie de premiers rôles admirables et attachants (Robial, Cestac... ) à laquelle vient se joindre une pléiade de seconds rôles sympathiques et réjouissants (Schlingo, Tardi, Baudoin...) sans oublier la pléthore de figurants au caractère bien marqué et souvent bien trempé.
Les acteurs ont des masques (des gros nez). Florence Cestac raconte. Le spectacle peut commencer:
Une bande de copains embarque dans une folle aventure. Ils s'improvisent libraires, éditeurs... qui oserait miser sur de tels amateurs?! Leur petite entreprise manque sûrement de
" professionnalisme ", ils ne courent pas après le profit mais ils ont de l'énergie à revendre, du courage et une passion commune.
Ils " travaillent plus " et se débrouillent au mieux avec les moyens du bord. Quelle frénésie! Quel foisonnement d'idées et de talents! Il flotte au fil des pages un air de comedia dell'arte, d'excitation permanente. On est au cœur de l'humain. La vie rejoint le travail et le travail empiète sur la vie. C'est l'amitié, l'amour et la famille qui fusionnent autour du bel ouvrage, de l'attachement au livre, de la Bande Dessinée. Florence Cestac raconte. 22 ans qui défilent, 22 ans d'une vie, 22 ans d'une " maison ".
Il plane un air de fête qui peu à peu s'épuise. On éteint les lampions. Il reste de l'émotion, des souvenirs...
Futuropolis n'est plus (s'il existe un label, nous parlons d'autre chose). On ne refait pas le passé. On ne regrette rien. Florence Cestac raconte.

-Monsieur-

de Florence Cestac (son expo de camemberts est extra)
aux éditions Dargaud
2007

lundi 11 février 2008

Comédie d'amour


Jade est jolie, pétillante. Elle serait insouciante, libre et indépendante s'il n'y avait pas l'amour, l'amour qui se pointe à l'improviste, l'amour qui passe par les toits quand on lui ferme la porte, qui s'impose, qui se pose et contre lequel elle ne peut rien. Cela provoque un petit conflit " auteur - personnage - narrateur " joliment mis en scène. Mais rien de grave, le scénario est léger, léger, léger et malicieux. Paris a le charme pastel de la capitale immortelle, celle des amants éternels et des amours passagères. Les héros sont beaux, ils respirent le bien-être et l'aisance. Ils semblent tout droit sortis d'un magasine de mode, un journal féminin et glamour; c'est la petite touche qui fait du bien, un petit côté fleur bleue.
Certains regretteront " l'Espace d'un Soir ", première collaboration réussie des deux auteures, dont on retrouve une des héroïnes... est-il besoin de comparer? Les deux albums sont indépendants et ne se suivent pas. Leur univers est agréable, leur lecture est plaisante; c'est reposant.

-Monsieur-

de Colonel Moutarde aux dessins ( son site et celui de son agent)
et de Brigitte Luciani au scénario
aux éditions Delcourt
2007

vendredi 8 février 2008

Pause Lecture

mercredi 6 février 2008

Le Marteau d'Alfred

Hospice Saint-Sulpice, 4h du matin:
"Et si on allait à la mer?"

Six personnes s'affairent dans les couloirs: Béatrice, Caroline, Denis, François, Huguette, les vieux, et Martine, l'infirmier.
Ensemble, ils "empruntent" le mini-bus de l'hospice et emmènent Alfred, le petit copain d'Huguette, au bord de la mer pour un dernier voyage entre amis.

Alfred et son Alzheimer sont à l'origine de ce départ précipité : pour eux plus de temps à perdre, il faut retrouver la joie simple d'un paysage où se confondre. Où disparaître.

Mais le bus est en mauvais état, les fugueurs n'ont rien prévu à manger, les problèmes médicaux de chacun se font sentir... Martine, grand black toujours au service de ses patients, ne sait plus comment gérer la situation: la peur de se faire pincer et d'être le sujet d'un avis de recherche national avant d'être rentré à l'hospice fait monter la pression... Puis l'accident: dans le fossé tout le monde!

De cette fuite en avant, chacun a sa version des faits. L'ensemble fait un roman, dense, court, drôle souvent, émouvant parfois, rapide et entraînant.
C'est une histoire d'amitié à la vie à la mort, d'hommes et de femmes liés par le Marteau d'Alfred (Al's Hammer en anglais) que je vous conseille vivement!

-Madame-

de Luc Tartar (www.luc-tartar.net)
éditions de l'Amandier
2005

mardi 5 février 2008

Autour du livre (tentative d'analyse)

Partie II Quel avenir pour les libraires?

Des interrogations multiples sont soulevées par les libraires au sujet des changements en cours. De nombreux sites se penchent sur l'avenir de la librairie, donnent le pouls de la situation (melico, la feuille, le tiers livre, le blog de la SFL...) mais il faut rester prudent.

Qu'y-a-t-il de commun entre une librairie de campagne et une librairie de grande ville? Qui sait que les sex-shops sont considérés comme des librairies spécialisées? (Sex-shops : Une histoire française de Baptiste Coulmont aux éditions Dilecta)

  • Ce qu'on appelle librairie indépendante regroupe trop de commerces particuliers, de taille et de structure différentes. Incomparables dans leur fonctionnement, leur rapport aux clients et leurs capacités financières.

  • De plus, il faut se méfier d'un jeu économique
    -où les règles ne sont pas les mêmes pour tout le monde (certains libraires n'atteignent pas un seuil de vente suffisant pour avoir la visite des représentants)
    -où les intérêts en jeu divergent (selon que le libraire emploie ou non des salariés)
    -où les rapports sont faussés (le marché d'approvisonnement des collectivités, bibliothèques par exemple, offre une certaine respiration à ceux qui le détiennent)

Force est de reconnaître que les gros groupes (FNAC, AMAZON, VIRGIN...) recentrent leur politique sur le commerce du livre pour compenser le déclin du disque et du DVD. Déjà bien armés, ils accentuent leur combativité, précisent leur agressivité.

Le combat contre les frais de livraison gratuits perdu par AMAZON (entre autres) ne l'empêche ni de pratiquer le « forcing » ni des opérations « ponctuelles ». Mais certains libraires sur leur site en ligne pratiquent également la gratuité ou des frais de port allégés. Que faut-il en penser? La poste devrait sûrement modérer ses tarifs comme d'autres pays européens (voir le combat de l'Atelier du Gué en ce sens) tout en préservant une certaine fiabilité.

Quant au système des remises exigées par AMAZON au près des éditeurs (avoisinant parfois les 50%), c'est une méthode de grande surface. Je ne crois pas qu'il soit juste de lier la gratuité des frais de port à ce fonctionnement crapuleux. Certains gros libraires font la même chose. De même qu'il est courant de jouer avec les délais de paiement (échéance de 3 mois, parfois plus selon les quantités de livres commandés), certains libraires négocient des vitrines ou des emplacements privilégiés en échange de conditions commerciales plus avantageuses.

Ce n'est pas dans l'esprit de la librairie mais dans celui du commerce.

Au delà de l'hypocrisie et du jeu de dupes liés aux enjeux économiques, il faut s'interroger sur les difficultés rencontrées par les librairies indépendantes. La vente en ligne est-elle responsable de tous les maux? (François Bon: déchaîner la chaîne)

  • Il faut prendre en compte les habitudes d'un public plus indépendant, moins homogène; admettre qu'il peut être intimidant d'avoir le regard du libraire sur son dos en permanence et se dire qu'un client peut éprouver une certaine délivrance vis à vis de l'anonymat des grosses structures. L'apparente abondance de l'offre y est souvent enthousiasmante et l'on se dit qu'on n'aura pas à commander ni à revenir deux fois pour obtenir son livre. Reconnaissons aussi avec regret qu'il arrive trop souvent d'être pris pour un imbécile par LE libraire qui « sait » et de sentir que l'on gêne quand on achète un livre à deux euros, que l'on vient pour un renseignement ou pour feuilleter quelques ouvrages. A contrario, on peut trouver des personnes de bon conseil et des libraires compétents dans des grandes surfaces dites culturelles.

  • Le prix du livre, en dehors de quelques collections spécifiques, est en hausse constante, parfois prohibitoire et sans réelle justification à part le coût du papier.

  • Les charges fixes liées à l'équipement, au loyer augmentent excessivement (notamment à Paris où se situe une majorité de librairies françaises). On pourra s'étonner de la cherté d'une base de données professionnelle (Electre) qui ne réfèrence plus les tirages de moins de 500 exemplaires.

  • Certains diffuseurs en position de quasi monopole imposent des conditions inadmissibles (envoi obligatoire de certaines nouveautés, obligation d'un stock minimum...) aux libraires. L'inverse est vrai aussi. Le gros étouffe le petit ou en prend le contrôle; c'est la loi du marché.

  • Il y a un système qui permet aux libraires de retourner sous certaines conditions les nouveautés (facturées à l'envoi) invendues. Celles-ci sont alors créditées. Le problème est que les éditeurs augmentent leurs parutions (une partie est distribuée d'office) pour augmenter leur trésorerie et que les libraires (dont la place et les ventes ne sont pas extensibles) augmentent leurs retours dans la même proportion. Les crédits augmentent et les éditeurs pour les couvrir augmentent les nouveautés (voilà une des raisons à la surproduction). Nous sommes face à un jeu d'écritures comptables, un système de cavalerie où le premier qui s'écroulera entraînera les autres dans sa chute.

  • Le nombre d'ouvrages finit par étouffer le libraire. Les boutiques sont encombrées de cartons. La manutention est de plus en plus lourde. La logistique devient un soucis majeur: coût, pollution (la ville de Paris veut développer les livraisons de nuit), délai (les grandes surfaces peuvent imposer des horaires aux transporteurs ce que ne peuvent pas faire les petits).

  • Le temps n'étant pas extensible, le libraire voit sa marge de manœuvre diminuer. Comment, dans ces conditions, renseigner sereinement le client, l'orienter correctement? Comment s'informer et synthétiser son savoir afin de le transmettre? Comment mettre en avant le fonds (choix et diversité) alors que 20% des livres apportent 80% des revenus? Comment rester disponible quand son temps est rongé par des soucis de place, de finance et de manutention?
    Comment laisser au lecteur le temps de s'approprier un titre avant qu'il ne soit retourné?

Bien sûr, il y a des tentatives de réponses :

  • Il faut souligner le travail exemplaire de certaines régions en faveur du Livre.
  • Des librairies spécialisées dans la bande dessinée ont associé leurs forces autour d'un projet commun en misant sur la qualité, le professionnalisme, le conseil (Canal BD). Cela ressemble à un label de qualité, un certificat de confiance à mon avis très efficace.

  • Le SNE travaille à une meilleure diffusion des petits éditeurs indépendants (système Calibre) pour réduire les frais et les délais de livraison car ils savent que les librairies indépendantes restent la clef de voûte de la diversité culturelle, de la transmission. Elles sont les relais d'une certaine liberté. La survie de nombreux éditeurs dépend d'elles.

  • Le SLF étudie un projet de portail en ligne afin de regrouper l'offre des librairies de proximité. Toutefois, le rapport Euclyd me laisse perplexe dans sa présentation (approximations, fautes d'orthographe). Je vous conseille la lecture critique d'Hubert Guillaud.

    De nombreuses personnes manquent de réactivité et de compréhension vis à vis des nouveaux médias. L'appréciation d'Internet comme site vitrine permettant de gagner plus est largement répandue. On appréhende rarement son impact et le travail que son entretien demande. Pourtant un site mal conçu, aux mises à jour irrégulières, dessert l'entreprise qu'il est censé valoriser.

Malgré tout, je pense que les librairies de proximité ont un bel avenir devant elles.

Des pistes sont à suivre du côté des Sciences sociales et des bibliothèques confrontées, depuis quelque temps, à des bouleversements de même ampleur. Les mouvements autour d'Internet sont à considérer, eux-aussi, avec attention, pour leur potentialité.


Des libraires essayent d'innover, d'évoluer; ils s'adaptent.
Des passerelles apparaissent entre différentes formes artistiques et intellectuelles, le livre tend à redevenir précieux.
Les libraires-imprimeurs peuvent-ils renaître de leurs cendres?
Et pourquoi n'irait-on pas vers un développement de « nouveaux salons littéraires »?

Autant de questions en suspens...


Seuls ceux qui cultivent l'excellence, la différence, s'en sortiront. Ils sont peu et les temps sont durs. Bien sûr, ceux qui ont les reins assez solides pour passer cette période transitoire arriveront à rebondir quelque soit leur éthique professionnelle.

Mais pour les autres, le but sera de dégager un fonctionnement économique viable car il s'agira de vendre un savoir, une connaissance, de guider le public au travers d'une jungle d'informations.

La vraie valeur ajoutée de notre époque étant le rapport « matière grise – relations humaines », le libraire devrait retrouver son rôle de passeur, de défricheur: un métier exigeant.


-Monsieur-

Pour compléter ce chapitre, je vous encourage vivement à lire le texte de François Bon: Une histoire de la librairie, véritable déclaration d'amour et de passion.
Prenez le temps d'écouter un autre passionné, Jacques Noël, libraire au Regard Moderne à Paris sur Arte radio. Un grand monsieur.